AUSTRALIE

DARWIN, Petit cours d’Histoire Géo

(Mai 2017)

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Le 19 mai nos roues atterrissaient en Australie, ce pays continent, ce grand Sud, ce bout du monde qui fait rêver tant de personne à travers le monde. L’Australie ou dans sa forme longue le Commonwealth d’Australie (et oui la reine d’Angleterre habille encore leurs pièces de monnaie) est toujours rattachée à l’Angleterre et ce « cordon ombilical » a été réaffirmé en 1999, à la suite d’un référendum.

Vol de nuit sans encombre, nous récupérons le Tandem et la remorque parfaitement emballés, et passons la douane les doigts dans le nez ! Il faut dire que nous avions passé notre dernière journée à Bali à tout nettoyer : tente (dessous, dessus, dedans, arceaux, et surtout les sardines !), duvets, matelas, chaussures, gamelles, vélo (ne pas oublier les gardes boues et les pneu), remorque, bref tout ce qui pouvait être nettoyé est passé sous le tuyau ou dans la baignoire de l’hôtel. Et une journée ne fut pas de trop ! Finalement ce n’était pas la peine de se donner tant de mal, comme la tente et le vélo brillaient, ils n’ont pas cherché plus loin. La guitare en bois de mangue made in Thaïlande ne les a pas fait frémir. Quand on lit les restrictions douanières il y a de quoi se faire des cheveux blancs : outre la nourriture fraîche, il est interdit d’importer des noisettes, des objets en bois, des animaux, des plantes, des graines, des plumes, des coquillages, etc. Sourire en coin, nous les trouvions un peu extrêmes avec leur « île », d’autant que ces restrictions s’appliquent parfois d’un Etat à l’autre. Mais lorsque l’on s’intéresse à l’histoire environnementale du pays, on les applaudit ! La colonisation européenne et la modernisation ont causé de lourds dégâts aux écosystèmes endémiques. De tous les continents, il se dit que l’Australie enregistre le plus grand pourcentage d’extinctions animales dues à l’Homme depuis le 18ème siècle et l’arrivée des hommes, non des occidentaux. Oui, on parle souvent de l’Australie comme un pays jeune, ce qui est le cas sous sa forme actuelle (à peine plus d’un Siècle !). Mais avant que nos ancêtres ne débarquent, et s’approprient ces contrées (vous connaissez la chanson ? C’est toujours le même refrain…) « l’île » était peuplée par des Aborigènes…

Reprenons… nous débarquons donc à Darwin, Capitale du « Northen Territory ». L’Australie est composée de 6 Etats et 3 Territoires. Si le fonctionnement des territoires est comparable à celui des États, le Parlement fédéral peut, s’il l’estime utile, mettre son veto à presque toutes les lois votées par les parlements territoriaux. Peuplée d’environ 150 000 habitants, Darwin, qui porte le nom du célèbre Charles, est une ville moderne, qui fut bombardée par les japonais pendant la Seconde guerre mondiale (ah bon ?). Sympathique, les pieds dans l’eau, elle offre de belles balades le long de la mer de Timor, et des petites marinas de rêve. Elle serait la ville où se produisent le plus d’éclairs orageux au monde, à ce qu’il paraît c’est époustouflant. Mais nous arrivons juste après la saison des pluies et rentrons dans l’hiver australe… nous sommes décidément à l’inverse de vous. Mais ici, la saison « froide » c’est : du soleil, du soleil et du soleil. Des nuits fraîches (20°C^^) et des journées venteuses à plus de 30°C. C’est pour nous incroyable de retrouver un climat sec, archi sec, tellement sec qu’ils passent leur temps à mettre volontairement le feu à leurs forets, pour éviter des feux naturels indomptables. Gestion que nous aurons un peu de mal à comprendre… Mais à part les nuages de fumées qui recouvrent quotidiennement certains endroits de la grande banlieue, et le paysage cramé, c’est un vrai bonheur de découvrir un climat tropical… sec ! Ce serait aussi la ville ayant le plus d’accident liés aux crocodiles (pouvant atteindre 7 mètres de long…). Ca semble être la mascotte, les attractions ne manquent pas, et tout le monde te parle de crocodile. Ici la baignade est interdite… ou fortement déconseillée. C’est noté.

Après quelques coups de pédales dans la ville, nous nous demandons où sont les habitants !? C’est d’un calme que nous ne connaissions plus. Les routes sont larges, la signalisation plus que présente, nous redécouvrons les pistes cyclables. Nous décidons de faire un petit détour par la côte, à Nightcliff. L’eau est turquoise. Les fourmis sont bicolores, vertes et rouges, et très nombreuses. Les oiseaux nous émerveillent. Des Cacatoès banskien (des géants noirs à queues rouges), des ibis, des Vanellus miles (oiseaux avec des babines jaunes), cette faune en pleine ville nous saute aux yeux. Waouh l’Australie, ça promet ! Quelques jours après nous découvrirons nos premiers wallabies à East Point…

Nous prenons la route vers McMinns Lagoon. Nous rencontrons nos premiers aborigènes allongés sur la piste cyclable, semble-t-il en train de dormir (ou de décuver ?). Leur morphologie est très différente de ce que nous connaissons, et nous réalisons que nous ignorons tout ou presque à leur sujet. D’où sortent-ils ? Que font-ils là ?

Les premiers jours sont dédiés à l’apprivoisement de notre warmshower, Kinglsey : 69 ans, géologue, informaticien, fou de vélo, qui vit seul au milieu de « nulle part ». L’Australie c’est beaucoup de « nulle part » : « des villages » où il n’y a que des maisons avec 2 hectares de jardin chacune, et où il faut faire 10 kms pour aller chercher son pain. Nous sommes devenus de parfaits colocataires. Nous lui cuisinions chaque soir des petits plats, regardions les séries télé avec lui, et échangions sur le monde. Lui nous a aidé à prendre nos marques, conseillé, ouvert l’esprit, en plus de nous héberger. Très peu accès à Internet, nous allions tous les jours dans la grande ville intermédiaire, Palmerstone, et faisions nos 40kms A/R par jour. De quoi maintenir la forme ! A vide, sans bagage, nous battions nos records de vitesse. Mais avec Kingsley nous rencontrons notre mentor ! Faisant tout à vélo (sa boîte aux lettres est à Darwin : 80km A/R), avec une vitesse moyenne de 27kms/h, il en est à plus de 300 000 kms à son compteur.

Nous resterons 15 jours chez lui, le temps de trouver le Van qui nous convient et de le mettre à notre nom. Il a été baptisé « Peny », par ces anciens propriétaires car il provoque la chance de trouver des pièces de monnaie. Comme tout marin qui se respecte, on ne rebaptise pas un bateau et nous gardons ce nom improbable (Peny et pas Penis pour éviter tout malentendu). Certain(e) trouve agréable de se poser et de retrouver une vie sédentaire, quand d’autre trépigne d’impatience de prendre la route. Retrouver la « Western Culture » a quelque chose de magique (ou de décevant selon les goûts). On se croirait presque de retour à la maison. « Same same but different ». Ici les 4×4 et autres mastodontes de la route sont légion, les centres commerciaux carburent, 64% des australiens sont considérés comme obèses ou en surpoids et ça se voit, Free n’a pas encore débarqué ici et l’accès à internet reste très cher, le tri sélectif ne semble pas encore connu et beaucoup brulent leur plastique dans leur jardin, bref, nous sommes en pays anglo saxon, et qui plus est en Australie. C’est plutôt l’occidental à l’américaine que nous rencontrons, et c’est un réel changement.

Natives versu Australia White : des générations volées

Nous passerons une très agréable soirée chez Christopher, un autre warmshower. Nos discussions avec lui et Kingsley, nous permettent d’un peu mieux comprendre ce fossé entre « l’Australie blanche » et « l’Australie noire », et ce racisme à peine caché. L’arrivée des colons britanniques sur les côtes australiennes en 1788, sous le commandement de James Cook, sonne le glas de la société aborigène telle qu’elle était établie depuis plus de quarante mille ans. Accaparement des terres, destruction de leur culture, certains parlent même de génocide.

Jusqu’à 1992, la loi britannique puis australienne concernant la terre était fondée sur le principe de « terra nullius », c’est-à-dire que le pays était considéré comme vide avant l’arrivée des Britanniques et, n’appartenant donc à personne, il pouvait être légitimement conquis. On regroupe sous un même terme « Aborigènes » plus de 600 à 700 tribus distinctes, parlant 500 langues différentes (il n’en resterait plus que 18 aujourd’hui) ;

Il faut attendre 1967 pour qu’ils obtiennent la citoyenneté australienne. Avant, ils ne sont rien. Les mairies délivraient paraît-il des permis à tuer, et quiconque en faisait la demande, pouvait à sa guise, tirer sur des aborigènes. Beaucoup ont été confinés dans des réserves sur les terres les plus pauvres. Beaucoup d’enfants auraient été enlevés. Leur complexe système de pensée, connu sous le nom du « Dreamtime », régit toutes leurs interactions sociales. Coupés de cette relation privilégiée avec leur modèle cosmologique, ils perdent tout lien avec leur structure sociale.

Pour les Aborigènes, la terre n’est pas perçue dans une perspective matérialiste mais spirituelle. Leur système de valeurs et de pensée est en complète opposition et, semble-t-il, inconciliable, avec le modèle qu’imposent les Blancs.

Ce n’est qu’en 2008 que le gouvernement s’excusera officiellement pour la première fois des injustices et mauvais traitements subis par les Aborigènes.

Aujourd’hui ils représentent 2 à 3 % de la population totale. Ils vivent en grande majeure partie en dehors de la Société, et cumulent les handicaps sociaux : difficulté d’accession à des logements décents, scolarisation moindre, consommation élevée d’alcool et de drogues, accès difficile aux soins, problèmes d’alphabétisation, espérance de vie réduite et problèmes judiciaires répétés. La somme d’argent que leur verse mensuellement le Gouvernement Australien ne semble pas être la meilleure des solutions pour rendre la dignité à ce peuple ancestral.

Aujourd’hui leur Art est devenu un vrai business, dans toutes les zones touristiques, les magasins d’arts ou autres biblos peints fleurissent. L’emballement pour les DJ Ridoo, aurait même pour conséquence une déforestation catastrophique, causée par des entreprises commerciales.

Il est facile avec tous ces éléments de comprendre leurs ressentiments, leur amertume, et leur désespérance. Nous n’avons pourtant jamais ressenti d’animosité de leur part, ni de regards accusateurs. Pourtant, de part notre couleur de peau, nous portons malgré nous le poids de l’Histoire, et ressentons une réelle gêne à les approcher. Il nous est difficile de les photographier, de rentrer en contact avec eux, quand nous rêverions d’en apprendre plus.

Le décor est planté, il est temps pour nous de découvrir cet incroyable pays. Ses 7 686 850 km2 de superficie représentent 14 fois la France !

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On The Road to CAIRNS

(Juin 2017)

Mots clés : soleil, horizon, magie, animaux, baignades, visites, cascades, eaux chaudes, route, étoiles filantes.

Attention, l’Australie se résumant quand même beaucoup au mot « nature », les photos n’en sont que le reflet. Pour ceux qui n’aiment pas les photos d’animaux – s’abstenir !

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Nous prenons la route début juin avec une ribambelle de contact pour faire du Workaway/Wwoofing. Direction Cairns, sur la côte Est ! Presque l’impression de quitter la maison et de partir en vacances ! (3 semaines dans les alentours de Darwin, c’est presque du jamais vu). Nous avons une vingtaine de jours devant nous, et grâce au camion nous pouvons nous permettre de prendre notre temps et de faire quelques détours. Youpi !

Nous passons par le parc national de Litchfield à sauter d’une chute d’eau à une autre. Le Parc, si petit sur notre carte, est immense et nous mesurerons peu à peu le gigantisme du pays. Pour l’anecdote, Darwin est plus proche de cinq capitales étrangères que de Canberra ! Nous passerons quelques jours avec Charline et Florien, deux cuistos français, qui nous narrerons leurs aventures professionnelles. Nous découvrons avec eux le monde de la cuisine étoilée, et notamment celui du Flocon de sel à Megève. De la Grande Cuisine mais avec de bons produits locaux. Passionnant, nos papilles sont en émoies !

Ils nous font tous un peu peur avec leur désert et leur no man’s land, alors nous ravitaillons le camion comme à la veille d’une transat. A raison de 80kms/h pour des raisons économiques et écologiques, la vitesse nous laisse le temps d’apprécier un paysage peu diversifié… toujours aussi cramé. Tout de même nous quadruplons notre vitesse moyenne, et ça change complètement l’organisation du voyage et la perception des choses. Si pour certain(e) c’est l’éclate, pour d’autre l’adaptation est plus difficile. Sentir les éléments manque. Cette boite de conserve aussi confortable soit-elle n’offre pas les sensations du cyclovoyage et les rencontres font défaut. Sans parler de la consommation de carburant… aïe aïe aïe… N’empêche que pour des tas de raisons, le camion, ça a du bon ! Sur la route nous croiserons quand même des héros : un couple de quinquagénaire qui est passé près de chez nous l’été dernier. Rendez-vous est pris à Melbourne. Un jeune allemand voyageant seul. Et un couple de… tandémiste ! Nos premiers. Nous passerons plus d’une heure à bavarder avec eux autour d’une pause café (made in camion), sur la route, en plein milieu de nulle part. Ils ont quitté leur Italie natale il y a 3 ans pour parcourir le monde. Quelle rencontre ! Dommage, nous n’allons pas dans la même direction. Ces 5 cyclovoyageurs rencontrés sur ces routes désertiques nous laissent songeurs. Si les rencontres se font moindres, elles se font parfois plus marquantes. Notre nouveau destrier a l’avantage d’être un 3 places cette fois, ce qui nous permet de partager quelques kilomètres avec des auto-stoppeurs. Konstantin, jeune russe baroudeur, nous offrira sa vision du monde et de sa Russie. Vision qui précise toujours un peu plus l’idée que nous en avons maintenant, différente de celle détenue par l’occident.

Nous jouons aux touristes et nous arrêtons aux quelques spots que la route offre aux voyageurs : source d’eau chaude de Bitter Springs à Mataranka, bar mythique de Daily Water. A part les « train trucks » (train-camion à 3 voir 4 remorques) et les caravaniers/campings-cars nous ne croisons pas grand monde. La route est si peu empruntée qu’un véhicule sur deux nous saluent ! La plupart des engins montent vers le Nord pour trouver chaleur et soleil hivernal. Malheureusement il ne nous est toujours pas possible de rouler de nuit… comme à vélo nous vivons donc avec le soleil. Kangourou, vaches, il est fortement déconseillé de rouler après le soleil couché, surtout sans par-buffle. Nombre de voyageurs ont plié leur van ou effectué de grosses réparations à la suite de conduite nocturne. Les animaux semblent attirés par la lumière, et le nombre de marsupiaux écrasés est indescriptible. Il nous est même arrivé de voire une maman et son petit expulsé sur le bas côté. C’est vraiment triste à voir. Les rapaces s’en donnent à cœur joie. Ils sont bien dodus !

Chaque soir nous rejoignons les « FreeCamp », des aires de repos gratuites, avec ou sans toilettes, où chacun peut passer la nuit. Nous les trouvons grâce à l’application smartphone gratuite « Campermate », la bible du voyageur en camion.

A Elliott City ce sera le drame. « Quelqu’un » oubliera la balise à la station service. Malgré tous nos efforts, nous ne la retrouverons pas. A Threeways nous piquerons plein Est et découvrons de nouveaux décors. Sur la Barkly Hightway nous connaîtrons nos premiers bivouacs magiques. Certain dise que c’est le petit prince qui allume ces millions d’étoiles et dessine la voie lactée. Ici le ciel semble infini, et nous prenons conscience de la rondeur de la Terre. L’horizon est si dégagé qu’il n’y a pas de doute que la Terre est ronde. Les aurores et crépuscules semblent suspendre le temps. Au petit matin chacun reprend la route. C’est drôle de se croiser/doubler à longueur de journée et de se retrouver le soir aux mêmes endroits. Les australiens sont très amicaux et simples. Alors que nous crevions de chaud quelques jours auparavant, les nuits sont devenus très fraiches, 11 degrés au réveil. Nous ressortons les affaires d’hiver que nous avions enfoui au Laos 6 mois auparavant. Les villes apparaissent comme des champignons. A quelques kms rien n’annonce qu’il y a de la vie humaine. Certaines nous paraissent sans charme et faites de bric à braque. D’autres semblent tout droit sortie des décors de western des studios Hollywoodien.

Nous franchissons la frontière du Queensland. Bye bye le « Territoire de l’Outback ! » Après Mountisa nous bifurquons plein nord et prenons la petite piste qui mène au lac Julius. C’est parti pour 2 jours de rodéo à 30km/h, où nous réalisons notre rêve depuis des mois : se retrouver seul dans un silence total. Nous rencontrerons nos premiers vrai Kangourou – bien plus majestueux que les mignons wallabies – et slalomerons au milieu des troupeaux. MAGIQUE. L’impression d’être en safari mais en pleine nature et seuls au monde. Si la piste est capricieuse nous ne regretterons pas cette petite escapade.

A partir de Normanton le décor change ! Nous rejoignons la Savannah Way. Nous aurions aimé la prendre dès le début, ce qui nous aurait valu moins de km, mais elle n’est pas toujours goudronnée et la taule ondulée trop présente. On nous a déconseillé de la prendre, la saison sèche n’étant pas assez avancée. La verdure recolore doucement le paysage. L’herbe se fait plus haute. Nous retrouvons les crocodiles. A Georgetown nous faisons un petit détour par le sud, pour aller voir les gorges de Copernic où des wallabies se dorent la pilule sur les rochers. La route est chaotique mais splendide. Benoît se trouvera au mauvais endroit au mauvais moment. Il assistera impuissant à la percution d’un zebu par un « train truck ». La vache fera quelques mètres en l’air avant de s’écraser sur le bas côté. Il faudra l’achever au marteau… La vie « into the wild » ce n’est pas drôle tous les jours.

Après Mount Surprise nous faisons un petit arrêt au Kalkani Crater. L’horizon est désormais habillé de vieux volcans, la route ondule, et connaît des hauts et des bas. C’est splendide. Puis nous piquons à nouveau plein nord, traversons Mount Garnet, déjeunons aux Innot Hot Spring : des sources d’eaux chaudes qui peuvent être brûlantes ! Sans nous en rendre compte, nous voilà arrivés dans la région des Tablelands, qui n’a plus rien à voir avec ce que nous connaissons de l’Australie depuis un mois. Mais ça, ce sera pour le prochain épisode !

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Immersion en culture Rainbow

(Juillet 2017)

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Le gros soleil rouge et ovale vient de tomber d’un coup derrière la montagne. Une épaisse couverture d’humidité enveloppe petit à petit la cabane de Prem, installée au coeur de la « rainforest ». De grosses goutes sont suspendues aux toiles d’araignée, les étoiles s’allument ardemment sur l’ensemble de l’arche céleste et la nature s’endort dans des jacassements et des trépignements à n’en plus finir. Il est 6 pm et nous allons bientôt partager le diner vegan avec nos amis festivaliers de Prem’stock : curry de citrouille, sauces à bases de feuilles sucrées, de fruits à coque et d’agrumes, des galettes de lentilles, du lait de coco, des fruits tropicaux à profusion et des boulettes de chocolat bio, de saison et locales qu’une équipe a confectionné toute l’après midi. Jeff prend la parole pour remercier Prem, ce septuagénaire plus libre que la brise. Dans la tradition rainbow, il met à disposition sa ferme tropicale pendant plus de 10 jours à l’occasion de son festival annuel. Ce festival est gratuit, sans alcool, sans drogue, sans café et entièrement vegan (sans produit d’origine animal). Chacun est invité à amener avec lui fruits et légumes. Il explique combien ce rassemblement est important pour récolter des graines qui prendront place dans ce sol si généreux. Jeff remercie aussi toutes ces personnes bénévoles sans qui ce festival n’aurait jamais pu avoir lieu. Il demande une ovation pour l’équipe de cuisiniers : autogestion, progression personnelle et envie de partager avec le groupe. Il invite à une dégustation de durian, « the king of the fruits ». Ceux qui en ont déjà mangé comprendront ce qualificatif. Jeff est un de ces passeurs de graines, un rôle central de l’autonomie alimentaire pour ne pas se rendre dépendant des marchands. Il explique que le brevetage du vivant est tout de même curieux et que nous devrions prendre cette affaire au sérieux !

Difficile de définir le style vestimentaire à base de plumes, de pantalons larges, de gros bijoux : un mélange d’un genre gothique, psychédélique, babacool, indiens, cosmonautes et certains sont nus comme des vers.

Tout ce petit monde cohabite sans se connaître et en cherchant à partager un même idéal. Il n’y a pas de chef, pas de programme, pas vraiment de règle et chacun apporte au groupe ses savoirs et ses compétences dans un joyeux bordel. On préfèrera s’appeler « Bro » ou « Sister » plutôt que de retenir les prénoms.

J’ai adoré aujourd’hui le slam didjiridou-percussions, le yoga-partner ou la séance de musique-chants-méditation hors du temps et de l’espace et qui en a fait pleuré plus d’un. Il faut dire que la cueillette de champignons bleus a bien aidé…

Bon mais revenons-en à nous moutons. Notre arrivée dans le « Tableland » se fait fin juin, par Mt GARNET, une petite ville perdue au milieu du bush avec sa pompe à essence, sa superette, son terrain de criquet et son poste de police. L’ironie du voyage c’est que nous ne savons pas à ce moment que c’est un vrai village de passage et que nous allons y revenir quelques semaines plus tard poussés par le … destin vous dites ?

Le « Tableland » c’est comme ça que les australiens appellent ces hauts plateaux coiffant la chaine de montagne bordant toute la côte Est. C’est vrai que vu de l’espace cette longue chaine de montagne doit ressembler à un serpent. Le Tableland est un lieu arrosé où le climat ressemble plus à la Bretagne qu’au désert que nous traversions seulement 100 kilomètres auparavant. Les montagnes culminent à 1500 mètres ici et la plupart des hauts plateaux sont entre 600 et 1000 mètres d’altitude. Nous sommes frappés par ce changement de climat en quelques dizaines de kilomètres quand nous aurons roulé des milliers pour voir quelques légères évolutions depuis Darwin. Ce sont des prairies et des troupeaux de vaches laitières qui ont remplacé les arbustes secs et les kangourous. La côte est quant à elle recouverte de la « Rainforest », une magnifique forêt tropicale. Le parc national de Daintree est le plus emblématique. Elle contient 3 % des espèces australiennes de grenouilles, de reptiles et de marsupiaux, et 90 % des espèces de chauves-souris et de papillons d’Australie. 7 % des espèces d’oiseaux du pays peuvent être trouvées dans cette région. Il y a également plus de 12 000 espèces d’insectes dans la forêt tropicale. Toute cette diversité est contenue dans une zone qui représente 0,1 % de la surface de l’Australie. (Source Wikipédia). Et on peut vous assurer que cette diversité animale et végétale c’est une expérience. Elle a clairement dépassé notre imagination. On voit de ces tellement drôles de bêtes que c’est difficile de faire son touriste blasé. Virginie voulait voir des « Cassowaries », ces sortes de gros oiseaux dinosaure. Cet animal divinisé dans la culture aborigène a un cou à peau pendante comme un dindon mais coloré, de grandes pattes robustes comme une autruche, une corne aplatie sur le dessus de la tête lui donnant d’ailleurs un air pas très finaud et des poils rêches plus proche du balais que de la plume. Oui, animal divinisé parce qu’il mange de nombreuses graines et son estomac ne digère que la gang de protection. Il fait donc sortir de ses déjections la rainforest. Nous l’avons pisté et flairé pendant plusieurs jours sans réussir à trouver même une trace. C’est sur une plage touristique sans chercher à lui serrer la patte que nous ferons connaissance : hé, mon morceau de pain, bon ok garde le !

Ce petit point climat nous semblait nécessaire pour comprendre pourquoi la communauté rainbow a posé son sac à dos ici. Pour y avoir vécu quelques semaines c’est un véritable petit paradis. Il y pousse tous les fruits tropicaux : bananes, cocotiers, cacao, café, papaye, goyave, fruit de la passion, ramboutan, Jack fruit, Custard apple, rollinia, les sapotes noires ou blanc, des corossols, durian, les melons, les citrons, pomelos, mandarines, oranges ou avocats. La région est plantée également de canne à sucre à perte de vue. Il y est donc possible de vivre ici dans cet idéal de liberté et d’autonomie à commencer par … l’autonomie alimentaire !

Nous voilà donc arrivés sur cette côte Est australienne. Ce sont des milliers de kilomètres en camion accumulés et il était probablement raisonnable de se faire porter ainsi pour pouvoir prendre le temps de se poser. C’est l’occasion d’un petit tour de vélo pour se dégourdir les patounes, devant le tandem, ça frétille ! Après une semaine de tourisme d’Atherton à Cape Tribulation en passant par Cairns, nous commençons le 1er juillet notre tournée des « workaways ». Nous passons quelques jours avec des particuliers dans un échange de bons procédés. Nous donnons 5 heures de travail journalier pour le gite et le couvert. C’est aussi l’occasion de découvrir une activité, d’améliorer notre anglais et surtout de faire de belles rencontres. Notre première expérience se fera chez Zalan, un autre septuagénaire. Nous partagerons des cours de yoga en matinée et un mode de vie inédit. C’était une belle expérience. Nous sommes contents de la rencontre mais très déçus sur l’activité. Zalan, notre hôte, nous a initié à la « raw food », la cuisine crue, à raison de 2 repas par jour. C’est un Vegan convaincu qui a leadé le mouvement dans les années 80/90 en Australie. Son sanctuaire est absolument sans produit animal et il n’est pas question d’y faire rentrer même un bout de cuir ! Le midi c’est fruits, sous toutes ses formes (glaces à tomber par terre, jus succulents, etc.) et le soir végétaux et fruits. On se régale !

Extrait de correspondance : « Aussi fou que ça puisse paraître, ce voyage culinaire en terrain inconnu devait nous faire de l’effet : et ça marche. Ce serait long à raconter mais nous avons découvert une toute approche à l’alimentation qui la transcende complétement et qui serait plus une philosophie de vie, une approche plus respectueuse de nous et de l’écosystème qui nous entoure. Pour nos esprits cartésiens, il est parfois difficile de suivre mais après un passage en Thaïlande, il nous manque la pierre « Indes » pour vraiment comprendre. Il prétend que la cuisine crue développe l’intuition et permet de mieux gérer ses sensations de faim. Elle permet aussi d’avoir le meilleur de chaque aliment et de ne pas en perdre dans le processus de transformation. La cuisine transformée (cuite notamment mais aussi avec du sel, du sucre, du poivre ou autres sauces) nous permet d’en avaler plus parce que notre corps est un peu trompé et ne ressent plus que la sensation de satiété. On prend du recul sur toute l’industrie agro-alimentaire et même sur toute la culture gastronomique, notamment française. Nous nous leurrons nous même dans nos choix culinaires. C’est juste incroyable d’étaler des fruits sur une table et de voir lequel tu as le plus envie : c’est celui qu’il te faut. Mais la vue ne suffit pas, il faut utiliser tous ses sens et ça, nous ne l’avons jamais appris ! On travaille en mangeant cru sur les notions de possession, de plaisir et surtout sur l’estime de soi. Incroyable ! »

C’est de rencontre en rencontre que nous sommes invités sur ce festival ou « Rainbow Gathering «  (Rassemblement Rainbow). C’est Lougaya, une française pétillante rencontrée sur un marché qui nous proposera de venir vivre avec elle cette expérience. Elle nous propose également un workshop pour se fabriquer des mocassins en cuir, plutôt sympa ! Nous échangerons sur nos projets de vie et elle nous partagera sa prise de conscience, sa décision de na pas finir ses études, de quitter la France et surtout la construction de sa communauté de vie dans la jungle indonésienne. C’est une démarche profondément alternative (avant gardiste ?). Elle nous inspire, du haut de ses 23 ans.

Les « rainbow gathering » sont ces rassemblements qui se déroulent tout autour du monde mais font légion en Australie. C’est vrai aussi que le peuple australien représente à merveille cette palette de couleurs de l’arc-en-ciel. Oui, si c’est à la couleur de peau qu’on peut penser en premier, on nous dira un jour que c’est le seul pays ou existent ensemble Jésus, bouddha, Mahomet, le Vodou, la Pacha Mama, les Serpents, Babylon et la carte bleue sans frais ! Ce multiculturalisme fait la richesse de ce « nouveau » pays. Nous trouvons qu’ils ont une ouverture spirituelle intéressante. Cette culture rainbow mixte et vivante a pour objectif la paix. Dans un pays ou les natifs ont été longtemps exterminés ou poussés dans des réserves c’est enfin un message porteur d’espoir.

Et c’est d’ailleurs par quelques petits pas en terres aborigènes que nous quitterons la région de Cairns. Nous avions rencontrés Konrad, un natif polonais en Australie depuis plus de 15 ans avec qui nous nous étions liés d’amitié. Il nous avait parlé de cet « Energy Camp », à Mt GARNET. Alors même si ce fut un détour, nous ne regrettons pas d’avoir passé 2 soirées au coin du feu à écouter des histoires. Ces personnages nous inspirent et témoignent d’une culture ancestrale puissante, du mépris d’un colonisateur blanc sans limite, d’une profonde non-violence et d’une envie de fraternité. Nous avons autour du feu le premier champion d’Australie aborigène de boxe et aujourd’hui avocat, le descendant direct du dernier roi des 220 tributs aborigènes et une activiste aborigène de renom « Black Diamond ». C’est petit à petit que nous découvrons ces personnages si charismatiques et si discrets. Ce camp ouvert à tous a pour objectif une rencontre sociale autour du conte et du partage d’expérience. « Tant qu’il y a du feu, il y a de la parole… ». Le concept nous semble pertinent à souhait et nous nous sentons biens. La magie se met en place petit à petit. Nous comprenons l’inconcevable richesse d’une culture vieille de 10000 ans et qui n’a pas encore perdu le lien avec la nature. Amasser des noisettes sur un compte en banque ne les intéresse pas plus que passer des journées à travailler. Ils ont trop de respect pour la vie pour la gaspiller à ce genre d’activités. Ils replacent souvent l’Homme comme un simple habitant de cette Terre au même titre que les autres êtres vivants. Le mot « Magie » vient souvent à leur bouche pour exprimer des pouvoirs, ou tout simplement des savoirs issus de l’expérience et transmis dans la grande tradition des Chamans du Bush.

Au moment de partir, Damian nous remercie d’être passé et à la vue de nos nombreuses questions nous propose de rester avec lui quelques mois. « Vous devriez rester avec moi 6 mois, ce serait parfait pour faire une balade dans la Bush… »

Nous finissons notre passade dans le nord du Queensland par quelques jours à Etty Beach : barbecue, yoga sur la plage et promenade au clair de lune avec nos nouveaux amis rencontrés à Collaboration festival. C’est une nouvelle occasion pour nourrir notre façon de prendre la vie et aussi de quoi avoir à discuter sur la route. Initialement, nous avions prévu de passer une petite semaine dans la région. Après plus d’un mois, à sauter d’un festival à l’autre, de marchés en marchés, de rencontres en rencontres, à vivres de singulières expériences, nous repartons le cœur serré, laissant derrière nous des personnes précieuses.

Pourquoi nous faut-il partir déjà ? Et si on restait ici ? On the road again ? On continue ou on reste ici pour la vie … ? Chiche ?

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S’attacher et s’arracher

(Août 2017)

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Avez-vous déjà…
– pique-niqué avec des kangourous
– évité de justesse d’écraser un gros serpent
– petit-déjeuné avec une pie
– fais la vaisselle aux côtés de lézards géants
– marché sur une raie en voulant vous baigner
– bu une tisane en observant des platypus (ornythorynx)
– fais un barbecue en compagnie d’une vache
– observé des baleines jouer au large…
Et tout ça dans la même semaine ?
Australie mon Amour !

Nous prenons donc la route du grand Sud et quittons ce nord Queensland qui ne nous aura pas laissé indemne. Nous y laissons une famille, celle de Konrad, ce polonais expatrié depuis 15 ans en Australie qui nous a abordé et accueilli chez lui comme de vieux amis. Même après 15 mois de voyage nous nous émerveillons encore de l’incroyable générosité et ouverture de parfaits étrangers. Ces quelques jours chez lui, aux côtés d’Alex, un germano-russe voyageur qu’il a pris sous son aile, de son fils Antone, de sa belle sœur, de son ex femme, de Mamie Mila qui elle nous attend chaleureusement en Tasmanie, ont été extra-ordinaires et resteront comme un petit coin du feu dans notre cœur. Comment pouvons-nous nous sentir en famille auprès de parfaits inconnus ? Comment peut-on se sentir chez soi dans une maison étrangère ? Comment peut-on se sentir aussi connectés et proches en si peu de temps et en ne parlant pas la même langue ? Nous nous sommes quittés en essuyant les larmes de Mamie Mila, mais nous n’en menions pas large…

Ce nouveau road trip est pour nous l’occasion de partager nos émotions, d’échanger nos impressions, de digérer surtout, et de nous retrouver aussi. Pas toujours facile de vivre ces expériences fortes à deux. Le voyage en couple c’est un voyage en soit. Un voyage dans le voyage ! Un vrai challenge. Ces 15 mois H24 ensemble se font sentir. Moins la tête dans le guidon, le voyage en van laisse plus de place à la communication. C’est tout le monde qui évolue : l’individu et le couple.

Nos premiers jours consistent à faire des micro sauts de puce d’une plage à une autre… décidément les grains2selles n’ont pas envie de partir. On en profite pour se faire des balades à la journée. La côte est splendide, coup de cœur pour Mission Beach. On se sent un peu en vacances. Puis on se décide à appuyer sur le champignon : Cardwell (sa super bibliothèque et son incroyable marina), Townsville (nous recommandons le belvédère sur la ville), Airlie Beach (très décevant car très touristique), la plage de Cape Hillsborough (au top pour approcher les wallabies), Mackay, Eungella National Park (pour admirer les incroyables ornythorynx), puis à Ilbilbie tournez à gauche et aller bivouaquer à Yarrawonga point, le plus magnifique des free camps ! Rockampton (belvédère très décevant), oublier Gladstone, une ville portuaire horrible dont nous avons malheureusement besoin. Faites un détour par Agnès Water et le Joseph Banks Conservation Park (plage de rêve et baleines), puis par Bundaberg (pour la production locale de Ginger Beer et les sorties nocturnes en été sur la plage de Mon Repos Conservation Park pour observer la ponte des tortues de mer). Ici nous piquons plein Est pour rejoindre Wondaï où notre second workaway nous attend (oublier le Lake paradise).

Nous avons trop rapidement quitté la Rainforest… bye bye les cassowaries et autres fruits à profusion. C’est une route vallonnée et de plus en plus aride qui nous surprend, l’impression d’être revenu dans le bush. Mais c’est beau et les quelques points de vue sur la mer et ses innombrables îles sont à couper le souffle. Maison abandonnée, champs de cannes à sucre, prés, nous guettons les bivouacs sympa et ne seront que très peu dérangés.

Le soleil brille toujours autant, c’est juste incroyable de se lever chaque matin sous un ciel bleu. Mais les températures descendent et les soirées et nuits peuvent devenir glaciales. Oui parce que quand même, nous sommes en hiver ! Nous l’avions oublié.

Nous enchainons les kilomètres et c’est pour nous l’occasion de se reconnecter à notre Société. Nous faisons chauffer l’auto radio avec les Podcast de France Culture et nous réjouissons de pouvoir nous « cultiver » autant.

Et sinon… avez-vous déjà… grimpé à des cascades – fait des courses au supermarché – crapahuté à un belvédère… à jeun ? On l’a testé pour vous et on vous le déconseille. Nous avons profité de cette dizaine de jours pour enfin tester le jeûne, 36 heures par semaine. Et la 1ère fois fut rude pour les estomacs et les têtes car nous avions oublié de ne rien faire ^^ expérience forte intéressante pour le mental, on recommande pour la santé ! Et si certains d’entre vous se demandent si nous ne sommes pas tombés sur la tête, voici un article et un début d’émission forts intéressants sur le jeûne :

Bon fini la glandouille, nous posons nos roues sur un terrain d’environ 8 hectares, au milieu de la forêt et des animaux, où l’incroyable projet de Stuart & Miranda prend forme depuis une année. 15 jours géniaux à les aider à construire leurs maisons en Pisée, à jardiner, à cuisiner. Les métiers du bâtiment n’ont plus de secret pour nous (ou presque). Nous nous formons, nous nous sentons utiles (la plupart du temps), nous rigolons (beaucoup), progressons notre anglais, et vivons en parfait harmonie avec cette petite communauté de volontaire. Pas besoin de se briffer, tout fonctionne naturellement, c’est magique. Les soirées autour du feu sous les étoiles sont un régal. Nous décernons le meilleur prix à la douche chaude extérieure vue sur les lumières de la ville. C’est la course à l’échalote pour le dîner, chacun donne le meilleur de soit-même, fini l’alimentation saine, notre panse déborde de petits plats bien gras et bien cuit, avec une mention spéciale pour les pizzas au feu de bois ! Notre fierté sera la création d’une magnifique table pour le futur four à pizza, véritable oeuvre collective, et des cuillères en bois, confectionnées par nous-même pour laisser une trace (mon poignet s’en souviendra longtemps). Fanny, Amélie, Gaspard, Gilles, Stuart, Miranda, et Doby nous ne vous oublierons pas ! Spoon team for ever !

« Le voyage s’est s’attacher et s’arracher »… on s’arrache difficilement d’ici… tellement que Gaspard n’y est pas parvenu depuis 5 mois ! Mais un autre workaway nous attend. Alors on ne réfléchit pas trop, on saute dans le Van, et une nuit plus tard, arrivons à Crystal Water près de Maleny, où nous passerons 3-4 semaines. Heureusement que nous sommes 2 ! C’est quand même plus facile pour gérer les départs…

*****

Permaculture Community Crystal Water

(septembre 2017)

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« C’est une maison bleue adossée à la colline, on y vient à pied, on ne frappe pas, ceux qui vivent là ont jeté la clef… » Je me souviens avoir chanté ça étant plus jeune autour du feu et je n’imaginais pas que ça pouvait exister réellement quelque part. Sauf que dans la chanson, ils ont oublié les kangourous … !

C’est au milieu de ces marsupiaux que nous faisons notre première trace dans cet étonnant éco-village. La mère fait traverser les plus jeunes, les pattes arrières de son dernier petit dépassent de sa poche. Les oreilles sont tendues et pivotent sur elles-mêmes, ça se gratte, ça broute, ça boxe et à priori notre présence ne les dérange pas tellement. « Heu Virginie, ce serait pas mal que t’avances, tu bloques la route et il y a deux voitures qui attendent derrière ». Nous poursuivons notre safari sur cette petite route qui serpente dans la colline et saute d’un petit lac au suivant. Impressionnante cette forêt recouvrant les versants ! « Oh, regarde ces hautes herbes toutes desséchées … ». La terre se découvre à certains endroits, elle est toute craquelée. On dépasse le cimetière communautaire et de temps en temps, des maisons nous apparaissent au milieu de la végétation. Ce sont des maisons à formes bizarres, en dôme, en patchwork, en carrousel ou soucoupes volantes, qu’elles soient en bois, en terre, en paille ou en poussière d’étoile. A croire que la maison bleue ici c’est aussi la maison du rêve d’enfant et qu’il nous est difficile même de décrire ce qu’on voit. Ce mélange de nature et d’imaginaire, niché au creux de la vallée, qu’est ce que c’est beau ! Peut-être que le soleil se couchant et notre grande envie de découvrir ce lieu aura joué sur notre perception ? A moins que ce ne soit les magiques Glass House Mountains de la région ?

Un mois plus tard, c’est avec une émotion intense que nous quitterons ces mêmes lieux. Sautant de maison en maison pour dire au revoir, c’est presque à la nuit que nous prendrons la route là où nous étions supposés partir en fin de matinée. Crystal Water, ton esprit de liberté, de créativité et d’indépendance vit toujours. Merci de nous avoir ouvert tes portes et ton cœur. Merci, merci !

Crystal Water est une communauté fondée il y a plus de 40 ans. Elle s’étant sur plus de 260 hectares sur les flancs de collines. Elle est bordée par 2 rivières et comporte 83 lots d’habitation privés ou vivent un peu plus de 200 personnes. Ces lots de 1 acre (0,4 hectare) accueillent à certain endroits plusieurs maisons et très couramment des caravanes, des bus, des containers ou des cabanes. Ces lots sont répartis par groupe de 4 à 6, ce qui en font des spots de quelques maisons distribués sur l’ensemble du terrain. Jusque là ça a l’air super cloisonné et ça ne ressemble pas tellement à l’idée qu’on avait d’une vie communautaire. Il ne faut donc pas oublier les autres lieux comme le marché, la boulangerie-pâtisserie, la salle de cinéma, la salle à manger et le carrousel, une zone de jeu pour les enfants. Il est important de dire que tout le reste du terrain est géré par le conseil et qu’il existe une coopérative de travail attenante et indépendante. Cette coopérative compte un boulanger, quelques ateliers de mécanique, de travail du bois, de grands jardins potagers et même une bambouseraie. La vie communautaire est multiple et propose à libre participation un repas partagé le vendredi soir, suivit d’une séance de cinéma. Il est sympa d’aller le samedi matin prendre une petite pâtisserie et un café en allant chercher son pain au levain cuit une fois par semaine. Il y a un marché tous les premiers samedi du mois. Ah oui, il y a aussi les falafels chez Yaev et Bec le lundi soir, les soirées bière du vendredi soir chez Gordon ou la séance de jeu collectif des enfants du mardi matin, qui est d’ailleurs plutôt un prétexte pour que les jeunes parents puissent échanger. Cette vie au sein de la communauté nous a semblé presque un minimum tellement ce lieux est finalement isolé. Le premier village est à 25 kilomètres avec une côte que nous n’avons même pas osé faire à vélo. Cet isolement fait aussi son charme mais dans un même temps repose les questions d’autonomie et d’occupation de l’espace. Tout ces temps communautaires nous ont permis de nous faire une idée plus précise de la manière dont les gens vivent ici et d’en découvrir un peu plus sur le passé de ce lieu. Bon, comme partout, il y a l’histoire officielle et il y a aussi ce qu’on a pu comprendre. Et il faut dire que parfois c’est plutôt croustillant. Il nous était difficile d’imaginer cette poignée de hippies épris de liberté et vivant sur le terrain, leur idéal de vie. Comme toute société, nous constatons des rapports de pouvoir, des désaccords de fond et des comportements que nous ne comprenons pas. Pendant que nous serons là, deux feux se déclareront à une semaine d’intervalle et quasiment au même endroit, et vu que tout était archi sec …

Cet éco-village est l’un des plus anciens en Australie et dans le monde. 40 années de vie communautaire c’est finalement … beaucoup de temps. Nous comprenons que le lieu a été très attractif pour des personnes cherchant un beau cadre de vie et ayant de gros moyens financiers. Les enjeux de plu valus des terrains ont aussi ici pas mal divisés. Un bon nombre d’idéalistes ont quitté les lieux et critiquent aujourd’hui ce qu’il est devenu, mais nous trouvons qu’il reste toujours cet esprit initial d’une manière ou d’une autre.

Cette communauté est connue dans le monde pour la permaculture ((Définition http://asso.permaculture.fr) « La permaculture est une méthode de conception permettant de créer des environnements répondant aux besoins des êtres humains, tout en respectant la nature. La permaculture s’est dans un premier temps concentrée sur l’établissement de systèmes agricoles durables («agriculture permanente»), avant d’élargir son champ de vision à toute la société («culture permanente»), au travers par exemple de ses systèmes agricoles, socio-culturels, industriels ou financiers. La conception permaculturelle (design en anglais) est basée sur l’observation et la reproduction des écosystèmes naturels. Elle se fait par une approche systémique, qui vise à interconnecter les éléments du système conçu grâce à des principes d’efficacité énergétique, pour créer des environnements durables, résilients et répondant aux besoins de tous les êtres vivants« ). C’est vrai que nous nous attendions à des jardins vivriers dans tous les coins. Nous noterons tout de même une initiative forte intéressante de redémarrage d’un jardin partagé et quelques personnes vivant de leur workshop et de leurs bouquins sur leur savoir faire permacole. Plus nous passerons de temps et plus nous constaterons que la permaculture c’est aussi un mode de vie, un rapport particulier à la nature, à l’espace et aux autres. Alors est-ce qu’une communauté en permaculture a forcément ses terrains remplis de légumes ?

Jardiner, arroser, fendre du bois, ramasser les feuilles, cuisiner, débarrasser un hangar pour mieux le ranger, daller un parterre, déplacer des pierres, retaper des bancs et les repeindre ou encore débroussailler seront les activités que nous mènerons lors de notre première session de workaway chez Scott. Il habite ce magnifique cottage depuis 15 années et vit des revenus d’une Guesthouse. Il utilise Air’BnB et fait cohabiter des locataires longue durée avec des vacanciers ou des voyageur d’un soir. Il expérimente largement l’échange non marchand et le troc. C’est dans ce cadre là qu’il prend des « woofeurs » qu’il héberge et nourrit en échange de 5h de travail par jour. Scott est un joueur de didjiridou et possédait dans le passé un commerce en ligne de slide didji, des tubes télescopiques en plastique permettant de moduler la note de vibration et de le transporter facilement. Merci pour l’initiation.

Ce que nous avons adoré, c’est cette petite rivière en contre-bas. Ouhaou, que c’était dépaysant : cette eau fraiche et vivifiante et ce calme au milieu des oiseaux, des marsupiaux et des moustiques. Nous avons aussi beaucoup aimé rencontrer les personnes gravitant autour du lieux comme Mathiew et Eri, lui New-Zélandais et elle Japonaise et venant s’établir en Australie pour commencer une nouvelle vie. Il y avait aussi Lili et Francesco, elle chilienne et lui argentin, en pause entre deux formations pour devenir Chamans en Amérique du Sud. Les peintures de Lili nous fascineront, tout comme leur joie de vivre, et l’énergie qu’ils dégagent. Nous aurons aussi rencontré Anja et Lotte, des woofeuses comme nous, allemande et hollandaise, et avec qui nous avons partagé des discussions passionnées sur le monde et l’être. Ou encore Alexandre et Aurélie un couple de suisses en tournage d’un film sur la permaculture. C’était une vraie auberge espagnole !

Notre seconde expérience s’est faite au numéro 38 chez Po Meï, une brésilienne-australienne née en Bolivie de parents chinois. Vous suivez ? Po Meï est une de ces personnes au grand cœur et qui a le sens de la communauté dans la peau ! Pour nous, elle fait vraiment vivre l’esprit communautaire sur Crystal Water. Elle aura vécu plus de 10 ans en cumulé ici et a acheté un petit terrain il y a quelques années. Son haut de colline lui procure un coup d’oeil sur la vallée sans équivalent. Elle habite aussi le terrain extrême de l’une des deux routes, et dans la tête ce n’est pas pareil. C’est un bal de wallabies, de perroquets, de serpents et même des daims qui rythmeront nos journées. Pas besoin de télévision ici, les reportages animaliers se passent en direct dans le jardin ! Les activités tournent autour de sa caravane à retaper, son bus à peindre et son jardin. Akina, du Japon, sera notre compagne de route. Nous peindrons et rangerons la terrasse de la caravane, referons les clôtures du jardin, taillerons la vigne et ferrons une pergola en bambou et brelage pour le plaisir d’un pied de fruit de la passion. Notre petit plaisir était notamment la cueillette d’orange au petit matin pour un smoothie ou un cartier à pleines dents.

Po Meï a eu à cœur de nous faire découvrir les personnes qui comptent pour elle au sein de la communauté. Nous la remercierons jamais assez pour ces extraordinaires rencontres que nous ferons. Nous passerons un peu de temps avec Les à la boulangerie à façonner du pain et des viennoiseries. Nous visiterons Gordon pour faire/boire de la bière. Et irons passer 2 après-midi chez Lesli et Peter pour leur donner un coup de main. Ces personnes âgées, à la santé fragile nous laisse imaginer aussi ce que peut-être une fin de vie dans ce genre d’endroit.

C’est avec un grand sourire que nos journées se déroulèrent à Crystal Water. C’est vrai qu’à première vue ce lieu nous semble un bon compromis entre vie communautaire et vie privée. Le partage avec les autres reste facilité mais est laissé libre. Nous nous sommes sentis très bien accueillis et nous avons pu pour la première fois depuis des mois lier de vraies relations. « C’est un petit poumon qui respire et où il fait bon vivre… » me lance Virginie quand je lui demande quelques mots pour définir ce lieu. Alors on reste aussi ici ? Ou alors, peut-être qu’on reviendra, non ?

Les grains 2 selles se séparent !

Après 16 mois et 2 semaines ensemble (je vous laisse calculer le nombre de jour), il était grand temps que chacun prenne l’air ! Décision bien difficile à prendre, mais que nous recommandons vivement 😉
Pendant que Benoît reste chez Scott, je m’échappe de Crystal Water pour passer quelques jours chez Anne à Maleny (la ville d’à côté). Française expatriée depuis plus de 20 ans en Australie, nous l’avons rencontré à notre arrivée dans la région, au Mélany Music Festival, où nous avons été bénévoles quelques heures contre entrée gratuite. Anne est pour nous une femme qui inspire. Après un parcours chaotique mais incroyable, elle a aujourd’hui 2 magnifiques filles de 17 et 19 ans qui parcourent le monde. Elle s’apprête elle-même à tout quitter pour un retour aux ressources d’une petite année en France. Engagée, elle milita dans le passé contre l’implantation du super marché de Maleny. Aujourd’hui, elle plaide la cause des immigrés et envisage de passer quelques semaines dans un camp de réfugié en Grèce. Proche des aborigènes, travailleuse sociale, sa maison est toujours ouverte et voit défiler quotidiennement de sympathiques personnes.
Anne est Gestalt-thérapeute. Et contre quelques heures de ménage et de jardinage, j’aurai le droit à une consultation.

Qu’est-ce que la Gestalt-thérapie ? « C’est à la fois une approche thérapeutique, et un ensemble de pratiques visant un changement personnel, psychosocial et organisationnel. Cette approche thérapeutique est centrée sur l’interaction constante de l’être humain avec son environnement. Elle s’intéresse à la manière dont cette interaction prend forme et tente de mettre du mouvement lorsque cette forme est figée et répétitive. En effet, le terme allemand « Gestalt » se traduit par « forme », au sens de « prendre forme », « s’organiser », « se construire ». La Gestalt réhabilite le ressenti corporel et émotionnel. Elle place le patient comme acteur du changement, et la relation comme moteur de ce changement. Certaines formes de thérapie sont centrées sur le pourquoi et recherchent l’origine du traumatisme : « thérapies de l’amont ». D’autres courants, tel celui de la Gestalt-thérapie, sont des « thérapies de l’aval » : en laissant de côté les origines de nos blocages, ces thérapies cherchent à libérer le comportement, à « déboucher la rivière » et « nettoyer les berges », pour lui permettre de couler plus librement. » (source Wikipedia)

Grâce à elle, je redécouvrirai également la Constellation Familiale et Systémique !

C’est une méthode de thérapie familiale transgénérationnelle. Méthode d’approche phénoménologique qui met en lumière les conflits personnels et familiaux issus de l’inconscient familial par le biais de jeux de rôles et de psychodrames. En gros vous choisissez des personnes dans l’assemblée qui joueront les membres de votre famille. Vous expliquez en quelques mots le contexte familiale et posez une intention (je souhaite comprendre…). Vous n’avez plus qu’à regarder ce qui se joue devant vos yeux. Ces étrangers deviennent tout à coup père, mère, soeurs, frères, ancêtres… et ressentent et expriment ce que votre propre famille vit. Complètement effrayant car totalement magique, ça semble un formidable outil pour dénouer des conflits familiaux, réparer/corriger des traumatismes, renouer des liens, pardonner, comprendre, accepter…

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Nous revoilà sur la route, direction Brisbane. Notre descente vers le Sud continue !

Références :

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Brisbane & Co

(Octobre 2017)

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Brisbane – Brisbane, une semaine d’arrêt !

Avec ses plus de 2 millions d’habitants, elle est la Capitale et la ville la plus peuplée de l’État du Queensland. Voilà longtemps que nous ne nous n’étions pas retrouvé dans une grosse ville ! Elle se répartie de part et d’autre du fleuve qui porte le même nom. Aujourd’hui elle serait la ville-capitale la plus étendue du monde au regard de sa superficie. Et il est vrai que le nombre de maison individuelle saute aux yeux en plein cœur de ville. Aérée, verte, vallonnée, elle est courtisée et aurait le taux de croissance le plus élevé des villes australiennes. Ses maisons bleues lui donnent un petit aire de San Francisco (où n’avons jamais été cela dit). Arbres violets, mur d’escalade naturel, bateaux mouches grandes vitesse, piscines aux pieds des tours, partie de frisbee, Brisbane surprend !

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Mon ami Pierrot

Qu’est ce que ça fait plaisir de te revoir ! Quand la routine rime avec trouver un sens à tout ça, il arrive parfois qu’on puisse partir en voyage sans savoir où et pour combien de temps. C’est parce qu’on cherche à savoir qui on est vraiment et qu’on rayonne enfin de sa pleine personne que les rencontres se font au bon niveau de vibration. C’est en voyageant aux 4 coins de l’Asie que tu as rencontré ta belle australienne ! A te voir avec elle, sourire en coin, la tête pleins de projets et un anglais dont le ronronnement s’améliore de jour en jour, je me dis que tu as suivi ton cœur et que tu sembles si heureux. A vous voir tous les 2, tout semble si simple et si beau.

Qu’est-ce qu’on a aimé se balader avec toi à vélo dans les rues de Brisbane. Ce petit moment où on a dansé dans la Power House juste parce qu’on était heureux. Ce feu d’artifice en pleine ville dans un grand fracas de couleurs et de détonations où nos mentons touchaient le sol. Avoir pointé notre museau à l’avant du bateau bus alors qu’il pleuvait à grosse poignée pour sentir l’air sur le visage. Ce pique-nique cricket ou encore cette bouteille de mousseux partagée sous ce kiosque pour fêter votre emménagement avec Alice, ont été ces moments magiques qui forgent l’amitié et le voyage.

Merci mon ami Pierrot pour ce petit bout de France que tu continues à faire vivre au delà des océans. Merci pour ton accueil, tes bons petits plats, ton pineau et tes bouteilles de vin, ton fromage… Comme on dit souvent, à très bientôt ici ou ailleurs, ça dépend le sens du vent … ou de la vie !

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Alice, est gynécologue. L’occasion d’échanger avec elle sur les pratiques en Australie. Je lui fait part de la vague de protestation concernant les violences gynécologiques et obstétricales, et autres bourdes dénoncées actuellement en France (pour en savoir plus). Elle m’explique que l’épisiotomie est pour eux une méthode du passé, et qu’ils n’y recourent désormais qu’en cas de réel besoin, c’est à dire dans très peu de cas (comme la maternité de Besançon par exemple.) Ils ont compris qu’accoucher allongé sur le dos les jambes en l’air n’était pas une position naturelle, et ici, les femmes peuvent accoucher dans la position qui leur semblent la meilleure pour elles : quatre pattes, à genoux, etc. du moment que la mère et le bébé ne sont pas en danger. Bien sûr, tout n’est pas parfait, et il leur arrive de se tromper, mais la mère est écoutée. Ils semblent beaucoup plus ouvert aux méthodes d’accouchements alternatives et douces (utilisation d’huiles essentielles, etc.)

https://emmaclit.com/2016/06/10/lhistoire-de-ma-copine-cecile/

Un petit tour par l’Inde…

Nous profiterons de notre séjour à Brisbane pour revoir Payal et Mangesh, et leurs enfants. Une famille d’indiens expatriés ici depuis plus de 10 ans. Nous les avions rencontré à Crystal Water, et avions à cœur de les revoir. Leur parcours et la vision qu’ils ont de l’Inde et de la religion sont très intéressants. Nous leur rendrons visite à vélo. 50km A/R dans la soirée, voilà bien longtemps que ça ne nous était pas arrivés. Ça tire un peu, mais que c’est bon de remonter sur le tandem. Nous dépasserons la barre des 13 000 kilomètres !

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Bye bye Queensland :

En poursuivant notre route vers le sud, nous quittons le Queensland. C’est le premier État de l’Australie par sa superficie et le troisième par sa population. Pour la leçon du jour : son économie est dominée par les secteurs de l’agriculture (culture des bananes, des ananas, d’une grande variété d’autres fruits et légumes tropicaux et tempérés (dont le délicieux avocat), du coton, de la canne à sucre, de l’élevage du bétail pour la viande et pour la laine) mais aussi du tourisme (région de Cairns, Sunshine Coast, Gold Coast, la grande barrière de corail, l’Océan pacifique et ses îles…) et des ressources naturelles (industrie minière notamment avec la production de bauxite, de charbon et de cuivre…). Le Queensland est surnommé le Sunshine State, « État ensoleillé », puisque son climat est chaud et qu’une bonne partie se trouve sous les tropiques (nord de l’Etat où nous étions en juillet). Et c’est sûr que le soleil, nous n’en avons pas manqué. La période hivernale connaît des températures basses et peu de pluies (certains n’ont pas vue de pluie pendant 4 mois). La période estivale est chaude, avec un niveau plus important d’averses et le passage occasionnel de cyclones tropicaux. Les températures vont rarement au dessous de zéro, même si la neige et le givre peuvent être présents. 5 zones protégées de ce territoire figurent au patrimoine mondial de l’UNESCO, et c’est vrai que nous restons émerveillés par sa nature et sa diversité.

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WORKAWAY (Stanthorpe)

(Octobre 2017)

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Le 6 novembre nous quittions Pierre et sa chouette nouvelle vie, et roulions jusqu’à Stanthorpe où nous passerons le reste du mois. 2 workaway nous attendent. Fini les vacances en ville, nous retournons travailler à la campagne. Nous passons par le très joli petit lac de Moogerah en prenant les petites routes. La région est une fois de plus MAGNIFIQUE. Nous traversons le drôle de village of Legume. La pluie continue sa danse et nous offre un bel arc en ciel sur les fermes qui parsèment ces vallées. C’est un petit goût de bout du monde sur ces pistes.

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Nous avons eu beau franchir la frontière du New South Wales (Nouvelle-Galles du Sud), Stanthorpe est toujours dans le Queensland. Nous sommes à 200 kms au sud ouest de Brisbane, au centre d’une région appelée la Granite Belt (la ceinture de granite).

Une nuit plus tard nous arrivons chez Radda et Yogesh. Cela fait 5 ans qu’ils ont acheté cette parcelle où seuls les arbres vivaient. Quel beau travail en seulement quelques années : nous découvrons une belle maison écologique, des potagers, un poulailler, une marre pour les canards, un séchoir, des caravanes qu’ils louent… nous sommes impressionnés. Les gelées viennent tout juste de disparaître, chouette, mais les orages et l’humidité nous surprennent. Nous sommes à 1000 mètres d’altitude, et il caille ! L’accueil est chaleureux, même s’ils s’absentent pour la soirée. Nous préférerons rester dans notre van plutôt que d’investir la caravane un peu miteuse mis gentiment à disposition. Malheureusement dès le lendemain, les relations se compliqueront. Et oui en Workaway c’est toujours une surprise : qu’allons-nous faire ? Quels personnages allons-nous rencontrer ? Où allons-nous vivre ? Bref à quelle sauce allons-nous être mangés ? Et comme pour tout il y a parfois de mauvaises surprises.

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Nous constatons un grand décalage entre leur annonce, leurs aspirations, leurs valeurs, et leur volonté de créer un autre monde, et la pratique. Chacun ses contradictions. Mais c’était à la limite de l’impolitesse. Nous aurons beaucoup de mal à trouver notre place et nous sentirons souvent de trop. L’impression d’être de simples travailleurs, cantonnés à rester dans notre caravane, sans faire trop de bruit, pendant notre temps libre.

Néanmoins nous y trouverons notre compte. Le boulot était parfois difficile mais plaisant (cartonner et pailler les chemins du potager, ramasser de la sciure dans des scieries, désherber à la main…). Nous travaillions 4-5h le matin, et avions le reste du temps libre. Chaque journée nous commencions par nourrir les animaux et promener Goundee, leur superbe chienne. Nous nous épuiserons à lui lancer le bâton. Un matin, à peine ouverte la porte du van, elle nous attendra pomme de pin dans la gueule, queue agitée. La propriété est entourée de pins, et nous profitons de nos après-midi pour nous balader avec elle. Nous nous croyons dans les Landes. La nourriture sera plus que copieuse et délicieuse. Enfin, chaque soir avant dîner, ils nous inviteront à danser et méditer ensemble. De beaux moments.

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Au vue de l’ambiance nous souhaitons écourter notre séjour. Mais s’étant engagés pour 2 semaines, on nous demandera de tenir nos engagements. Étrange alors qu’elle passe le moins de temps possible avec nous. Quelques rebondissements plus loin, la pluie étant prévue pour la seconde semaine, nous passerons finalement pour « persona non grata », et on nous demandera de partir, au plus vite si possible. Si nous ne pouvons pas travailler, il n’y a plus de raison pour que nous soyons les bienvenus.

Nous quittons ce joli endroit choqué par ce grand manque de savoir vivre. Il nous faudra bien une semaine pour faire totalement disparaître cette petite boule au ventre et s’assurer que le problème ne venait pas de nous. Il faut dire que de la part d’une psychothérapeute nous nous attendions à un minimum de communication. Tout le monde a le droit d’avoir ses problèmes et de traverser une mauvaise passe, mais au vue de son parcours, nous espérions un peut d’intelligence relationnelle. Nous avons eu de nombreux échos de la part d’autres voyageurs sur leurs mésaventures en workaway. Certains semblent oublier que nous ne sommes pas que des travailleurs gratos. Nous recherchons avant tout la rencontre, l’échange, et à apprendre. C’est une expérience qui nous marquera. Nous comprenons combien il est difficile d’être cohérent entre ses convictions et leur mise en pratique dans la vie de tous les jours. Comme si ce n’était jamais acquis, comme si cet effort devait être poursuivi toute la vie. Voilà qui nous pousse à nous relire nous même et à travailler sur cet alignement qui nous tient tant à cœur.

Bref, une semaine après, nous arrivons chez Bec, welcome in paradise !

A peine arrivés, que nous sentons dans le câlin à l’australienne que Rebecca nous offre, un fort potentiel entre nous. Pas manqué, nous passerons deux incroyables semaines en compagnie de ce bout de femme exceptionnelle et de sa famille. Ouf, cette fois, nous sommes au bon endroit.

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Après plusieurs voyages à travers le monde, des études de naturopathie, et une initiation au chamanisme, Bec a décidé de s’installer sur les terres de ses grands-parents, et de s’y construire une maison écologique. Le décès soudain de sa grand-mère l’an dernier, a quelque peu modifié ses projets. Elle a décidé d’investir les deux maisons laissées en héritage. Rénovation, décoration, entretien, l’ont occupé ces derniers mois, et elle a depuis un beau poulailler, des canards, et des biquettes. Sa maison, déjà bien commencée, reste donc à finir. Le lieu, situé à plus de 20 kms de Stanthorpe, est paradisiaque, si on aime la solitude. Ses parents vivent à 3 kms. Aidée, soutenue, elle reste du haut de ses 27 ans, la gestionnaire de ce lieu : nous serons impressionnés. De nature calme et douce, les projets fusent derrière ses yeux verts : lieu d’accueil temporaire ou à plus long terme, Airbnb, retraite (yoga, detox,…), résidence d’artiste, centre d’accueil pour enfants, elle ne manque pas d’idées pour ouvrir et faire vivre ce lieu. Elle a également le projet de faire un jardin en permaculture dont elle vendra la production sur les marchés. Bientôt des cochons devraient venir compléter la famille.

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Installés comme des rois dans l’une des deux maisons, cela faisait longtemps que nous n’avions pas bénéficié d’autant de confort. Bec est fatiguée par les travaux et désire avant tout partager, alors nous discuterons plus que nous travaillerons ! Levés 6h15, c’est un plaisir de faire la tournée des animaux : nourrir les poules et ramasser les œufs, s’occuper des canards, emmener les deux plus grandes biquettes au prés (un sport), et donner le biberon aux deux petits chevreaux qu’elle a recueilli, avant de tous se retrouver pour petit déjeuner. Le mauvais temps nous fera préférer boire le thé que de désherber. Mais les jours de soleil, quel bonheur de travailler aux pieds des rosiers, en compagnie de Mimi et Chouchou. Mimi a 1 semaine, quand Chouchou n’a que quelques jours et peine à survivre. La première semaine nous partagerons la cuisine avec eux. Le chauffage deviendra leur mère adoptive, qu’ils vénéreront comme un dieu. Les journées sont ponctuées par les bibes, toutes les 2h, à 16h30 il est temps de nourrir à nouveau les poules et les canards, de rentrer les deux biquettes, et de nourrir les deux chiens, avant de coucher tout ce petit monde à la nuit tombée. Les journées défilent et nous avons le sentiment que la vraie vie est ici. Bec aime à donner un coup de main à ses amis ou voisins. C’est ce qu’elle fait 1 à 2 journées par semaine. Elle a besoin de se former, et sait que seule il ne lui sera pas possible de réaliser ses rêves. Nous aurons alors l’impression de travailler davantage pour les autres que pour elle.

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Sa famille possède une ferme bio de 800 hectares, hérités des grands-parents. Ils possèdent un troupeaux de 350 vaches qu’ils élèvent en biodynamie pour la viande. Depuis 3 ans ils se sont lancés dans la production de choux blancs. C’est la plus grosse ferme de choux bio d’Australie. Destinés à la production de « SourCraft », du chou cru fermenté, très en vogue dans la région, car très bon pour la santé paraît-il. C’est la saison pour les ramasser, alors par 4 fois, nous irons prêter nos bras, en compagnie de Shane (le papa), Sean (le bras droit), Maree (la maman), Chris (le cousin), la soeur de Bec… ou de backpakers payés à la journée quand la famille n’est pas là. On ne peut pas dire que ce soit vraiment rigolo de ramasser, dans la boue, de gros choux blancs pourris par les pluies brutales et trop abondantes de ces derniers jours (nous aurons même le droit à de beaux grêlons qui anéantirons les jeunes pousses de choux…). Peler les choux pour ne récupérer que la partie belle (quel gâchis laissé au sol…), porter les caisses, transvaser dans la remorque du tracteur… nos dos auront du mal à s’en remettre. Nous ne regarderons plus les saisonniers de la même façon. Shane ira même jusqu’à nous donner de l’argent pour nous remercier ! Pas question. Car aussi fou que cela puisse paraître, j’étais heureuse, même sous la pluie, d’aider ces belles personnes. L’ambiance y était studieuse mais chaleureuse. Chacun apprenant à connaître l’autre. Les jours passants nous nous sentions si à l’aise que les sujets deviendront plus polémiques : dérèglement climatique, surpopulation, migration, mais le tout dans une atmosphère très amicale et respectueuse. A la pause thé (très importante chez les anglosaxons et appelée « Smoki break ») nous dévorions les formidables gâteaux fait maison de Maree. Tout ce petit monde finissait par déjeuner ensemble et à la fin nous nous sentions en famille.

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Shane est Kinésiologue. La kinésiologie est une pratique professionnelle destinée à favoriser un état d’équilibre et de bien-être (physique, mental, émotionnel et social). Le corps serait traversé d’un flux d’énergie curative, et les maladies seraient causées par l’entravement de ce flux. Pour comprendre d’où vient le ou les problèmes, le kinésiologue a recourt au test musculaire. Pas besoin de s’exprimer, le corps nous livrerait les informations dont nous avons besoin pour comprendre. Ce test musculaire permet d’identifier les déséquilibres sur le plan physique, mental, émotionnel et énergétique ainsi que les moyens à utiliser pour les rééquilibrer. Le kinésiologue propose alors des outils d’équilibrag qui associent des techniques occidentales modernes à des techniques traditionnelles très anciennes, chinoises notamment. La kinésiologie est utilisée aussi comme technique de développement personnel. http://federation-kinesiologie.fr/La-Kinesiologie

Shane nous offrira une séance chacun et prendra de son temps pour nous partager sa passion. Une nouvelle fois nous sommes enchantés de découvrir une autre manière de soigner.

Nous passerons une journée dans le jardin d’Holly et Justin, un jeune couple maraîcher. Planter, désherber, déplacer, une belle journée.

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Bec profitera de notre présence pour partir 3 jours sur la côte retrouver sa meilleure amie, en escale. Nous voilà maître à bord, et on s’y croit ! Nous nous occuperons même de ramasser et livrer les commandes pour la coopérative dont Bec fait partie. Une sorte d’AMAP / Ruche qui dit oui organisée par les fermiers. Nous y rencontrerons Ray and Samantha qui reviennent de 6 mois de voyage en Europe en famille. Ils ont passé pas mal de temps en France à faire du wwoofing ! Il leur est interdit de vendre du lait non pasteurisé. Pas de problème, ils le vendent sous l’étiquette « lait à usage cosmétique ». Comme les graines de chanvre. Interdites à la consommation, elles sont vendues à usage cosmétique, mais tout le monde s’en régal, et c’est très bon pour la santé. http://symarafarm.com.au/

Nous reprenons la route plein Est pour le Byron Shire. Le départ est une nouvelle fois un arrachement. Nous laissons une partie de nous dans cette ferme : c’est très dur. Nous échangeons de merveilleuses paroles et de beaux cadeaux. Nous nous promettons de rester en contact et de se donner des nouvelles. Nous avons le sentiment que nous reviendrons. Nous commençons à ne plus supporter ces moments de départ. C’est une tristesse immense et l’énergie vient à manquer. Il est peut-être temps de se poser quelque part ? Est-ce que nous n’aurions pas besoin d’une petite pause dans notre nomadisme ? Nous comprenons dans cette expérience notre besoin de vivre au rythme de la nature.

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BYRON SHIRE : son charme, son projet

(Novembre 2017)

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Le Byron Shire, est un lieu à part en Australie. Notre banquière à Darwin nous avait prévenu « tout le monde rêve d’habiter Byron Bay ». Il est situé sur la pointe la plus à l’Est de l’Australie et sur les contreforts du vieux volcan Wollumbin (rebaptisé « Mt Warning » par les anglais). C’est fou comment ce au lieu de la culture aborigène a été dévoyé en renommant simplement ce sommet symbolique. C’est le capitaine Cook qui avait proposé ce nom comme un avertissement pour les marins qui le verraient en amer depuis l’océan. Ou alors c’est une prophétie qui annonce, comme beaucoup le croient ici, que ce lieu va être la source de quelque chose d’autre ? Comme un avertissement pour cette société de progrès et d’argent qui détruit et transforme nos cœurs en pierre. Et nous le comprendrons qu’après plusieurs semaines à vivre dans cette bulle. Le Byron Shire, c’est plusieurs villages étalés autour de Byron Bay. Dans les années 70, les hippies des villes cherchaient des terres peu couteuses pour vivre leur idéal de vie. 40 ans plus tard, la troisième génération continue à poursuivre ce rêve, ou pour parti.

Byron Bay n’a pas résisté à la capitalisation immobilière, ni au tourisme. Des hordes de backpackers sillonnent la ville et la plage à la recherche d’endroits authentiques. Le monde du surf et sa revers de médaille (culture de l’apparence, mode et marques mythiques à 80$ le tee-shirt, pub et bar branchés…) ont investi les lieux et légèrement dépossédé le monde hippie. Des touristes viennent apprendre à surfer sur une des vagues les plus longues du monde. Quelques descendants des hippies opportunistes vendent des attrapeurs de rêves, des peintures, et toutes sortes d’objets de la culture Rainbow dans une appétence qui nous a fait vomir. Bref, nous sommes sûrement un peu rude dans nos propos, mais ce que nous avons préféré, c’est l’incroyable street art !

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Byron Bay est devenu aujourd’hui une marque, une ville à visiter et non un lieu pour vivre : dommage, et nous ne sommes pas les seuls à le déplorer. En revanche, elle reste un symbole, un mythe, que l’arrière pays poursuit tant bien que mal en expérimentant et proposant une autre façon de vivre : oui rien que ça ! Et si on décidait collectivement d’améliorer notre qualité de vie en produisant notre nourriture localement, bio, de saison ? Si on décidait de créer des écoles pour apprendre à nos enfants à penser par eux-mêmes et les protéger de cette société de consommation destructrice si facile à intégrer et si difficile à quitter ? Pourquoi ne pas revoir la santé, les transports et même le système monétaire qui nous contraint à supporter nos banques et à être taxé pour réaliser des projets qui apporte l’inégalité, la destruction de la nature et au final la guerre ?

C’est un vrai projet de société que porte cette petite bulle australienne. On parle ici de l’effet « Byron ». C’est arriver pour visiter et ne jamais en repartir. C’est très courant et on le comprend parfaitement, comme si on vivait ici un rêve. Cela ne se fait pas sans heurs, sans problèmes, sans réflexions de fond, sans spiritualité et sans remise en question. Pour certain, c’est même trop et il n’est pas rare de repartir après quelques années parce que c’est trop exigent. Il faut dire aussi que la nature est vraiment prenante ici. Nous revoilà dans la rain forest, et aussi belle soit-elle, sa puissance et ses animaux peu adorés (sangsue notamment), éprouvent.

Nous verrons à Mullumbimby un collectif de parents s’organisant pour faire l’école à leur enfants et décidant des programmes par la Sociocratie. Rappelons tout de même que la scolarité en Australie est payante et l’éducation obligatoire. On verra aussi en ville un lieu de médication surprenant : une pharmacie où les patients peuvent recevoir gratuitement des conseils avant de repartir en quelques minutes avec des médicaments confectionnés qu’à base de plantes. Les naturopathes animant le lieu sont tous diplômés et reconnus, avec des spécialités différentes et complémentaires pouvant proposer une consultation aux patients. Ici (en Australie) les cabinets de naturopathie (et de médecines alternatives) sont nombreux, présents même dans les petits villages. Leur formation est bien différente de celle proposée en France. C’est 4 années d’étude et à l’université ou dans des écoles privées.

Les exemples sont si nombreux qu’on ne pourra tous les raconter, il faut venir les vivre ! Ce sera pour nous un immense message d’espoir : oui nous pouvons changer ce monde, certain vivent déjà dans l’alternative et ça marche ! Ce que ne dit pas l’Histoire c’est le bonheur, la joie de vivre et l’enthousiasme qui règne ici. Les gens ont peu d’argent mais sont d’une richesse incroyable : ils vous souri dans la rue, prennent le temps et se font plaisir. Alors pourquoi continuer à souffrir ?

Patrick, Estelle et Tao

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Virginie me parlait depuis de nombreuses années des photos de Patrick. Nous rigolions de poursuivre en Australie depuis le premier jour de voyage. C’est par ici que nous devions passer, c’est clair maintenant. Patrick fait parti de la même bande de copain que Kuba Alex, notre ami moine bouddhiste en Thaïlande. Nous comprenons rapidement que lui aussi à sa manière a décidé un jour de tout quitter pour essayer d’être un peu plus heureux, pour essayer de donner un sens à sa vie. Ces parcours de vie font sens et ont tous la même origine, une envie de sortir de la boîte qu’on nous propose. C’est du courage de partir, mais pour nous c’est encore plus difficile de rester, alors qu’on ne supporte plus ce qu’on nous impose. Ce sont de longs chemins, parfois escarpés mais le résultat est transcendant.

Patrick a fait sa vie avec Estelle et ils ont accueilli un petit Tao l’année passée. Ils ont un mode de vie très ancré dans le moment présent. « J’aime vivre tous les jours comme si nous étions en vacances, faire ce qu’on aime et donc ne pas avoir besoin de faire de break ». Patrick est ingénieur télécom de formation et il a découvert ici sa vocation pour le massage Zen Thaï Shiatsu. C’est une technique de massage qui possède de nombreuses vertus, dont celles d’apaiser, de relaxer ou encore de revitaliser. Lié à la médecine chinoise, nous retrouvons avec joie les quelques principes appris auprès d’Abel en Chine un an auparavant. Patrick fait du massage sur mesure, sur les marchés ou à la maison, 4 jours sur 7, pour équilibrer vie pro et vie perso. « Mettre mon énergie exactement dans ce qu’on veut promouvoir ». Voilà ce qui l’a poussé à être masseur. Il ne trouvait plus de sens à développer des intelligences virtuelles, sa spécialité quand il était encore en France.

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Estelle, elle, s’est installée en Australie il y a une dizaine d’années. Après avoir travaillé dans un magasin bio à Melbourne, elle s’est, en parallèle de petits jobs, formée à l’aromathérapie. C’est une approche de soin, assez complexe, dont les essences aromatiques des plantes constituent la base. Autrement dit, c’est une thérapie centrée sur les huiles essentielles. De vraies merveilles, elles sont antiseptiques, on peut s’en servir pour l’hygiène des espaces intérieurs, en soins esthétiques, pour la détente. On leur prête aussi une action bienfaisante sur le plan psychologique et pour contrer l’anxiété. Estelle a, pendant quelques années, proposé des massages. Aujourd’hui elle confectionne des baumes de massage et parfums, thérapeutiques donc. Son souhait à terme serait de créer des produits personnalisés. Une personne, un parfum. Ne serait-ce pas une révolution du monde de la parfumerie ? Produits uniquement naturels et organique, fait à base d’huile végétale, de cire d’abeille, d’huiles essentielles, et de petits cristaux, créés par ses soins, ils ont pour but, via les effets spécifiques des nombreuses et diverses huiles essentielles, d’apporter à la personne qui le porte ce dont elle a besoin. Exemple :parfum relaxant, parfum dynamisant etc…

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Tous deux expliquent admirablement bien comment nous sommes tous responsable de la circulation d’énergie dans notre société. Si nous voulons une agriculture responsable, il est alors de notre devoir d’aider les petit paysans et producteur Bio et d’arrêter d’acheter des produits de grande consommation bourrés de pesticides. « Quand tu repenses chaque action de ta vie en prenant conscience des conséquences de tes actes, tu te sens infiniment responsable et tu récupères ton pouvoir… »

Patrick et Estelle font parti d’un collectif pour construire ensemble un habitat partagé. Le projet se déroule sur plusieurs années et chaque décision est prise sur un mode de décision communautaire : la Sociocratie (mode de gouvernance qui permet à une organisation, quelle que soit sa taille — d’une famille à un pays —, de fonctionner efficacement sans structure de pouvoir centralisée selon un mode auto-organisé et de prise de décision distribuée.). Nous voyons combien ils basent leur développement personnel comme l’outil nécessaire pour vivre heureux et conscients. Patrick fait d’ailleurs parti d’un cercle de parole d’Homme où il m’a amené. Un liant social, rien que pour les hommes, pour les aider à être mieux dans leur vie (décharge émotionnelle, écoute, entre-aide, construction personnelle, bienveillance etc.) Ces cercles se développeraient de plus en plus dans ce pays où le taux de suicide des hommes serait anormalement élevé. Et chez nous, est-ce que ça existe ?

Enfin, Patrick et Estelle n’hésitent pas à nous partager leur expérience de jeunes parents. Ils ont organisé leur vie de manière à être présents et disponibles au quotidien pour Tao. Nous sommes impressionnés de l’énergie et du temps qu’ils consacrent à leur petite tête blonde, et on peut dire qu’il le leur rend bien. C’est beau à voir car ça rend tout le monde heureux. Ici c’est courant de voir les mamans être à temps plein pour leur bambin durant leurs premières années de vie, de voir l’allaitement s’allonger bien au delà de la première année, d’essayer une vie sans couche, etc. Et ça n’en fait pas moins des femmes épanouies, accomplies et féministes ! C’est un vrai choix. Pas toujours facile, exigeant, qui demande de nombreux compris, de la patience, de l’abnégation, mais pour elles, c’est le chemin le plus beau pour être mère et pour donner à l’enfant ce dont il a besoin. L’alternative ici ça se passe aussi – et peut-être même surtout – au niveau de l’accompagnement des tous petits. Ils expriment aussi combien c’est important pour eux de profiter de Tao pour recommencer leur construction personnelle. « C’est une occasion unique de redécouvrir le monde avec de nouveaux yeux ». Mais comment fait-on quand on a une activité professionnelle trop prenante ? Moi j’aurais peur de passer à coté…

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Juli et le projet « Wild Space »

C’est dans une ancienne école Steiner que ce projet a éclot. Juli et sa jeune équipe commence à Mullumbimby un des ces projets qui ne peuvent qu’inspirer. L’idée est de créer un lieu de rencontre et de formation : mixité sociale et développement personnel ! Ouvrir nos esprits, enrichir nos cœurs et engager nos corps… Notre première impression c’est « home sweet home ! » Juli nous met super à l’aise et nous propose de venir à un workshop de reconnexion : « Un workshop expérimental pour essayer de mieux se connaître, et de nourrir notre force intérieure quand on lutte pour changer ce monde troublé. Une variété d’espaces sont créés à Mullumbimby et au delà pour t’aider à explorer tes choix de rôle dans le GRAND TOURNANT, le changement d’une société industriel de croissance vers une expérience de vie soutenable en société… ». Nous ferons ce workshop, nous viendrons à un cercle de parole de reconnexion, nous ferons une marche dans le bush et nous présenterons quelques-une de nos vidéos et répondrons à des questions.

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Cet espace est un forum vivant pour échanger des idées et faire que ce « grand tournant » arrive. C’est un lieu où je me suis senti vivant ! C’est un espace de création ou chacun à sa place. Espace innovant et ouvert sur le monde : activisme, militantisme et responsabilité. La qualité des activités ou rencontres proposée est extraordinaire et ce par la qualité des participants et le cœur avec lequel ils veulent faire ce grand tournant.

Nous louperons les soirées « Cinéma conscient », celles pour organiser la réponse face au projet de mine injuste, destructeur et moribond ADANI, les cercles de silence ou encore les soirées où il n’y a pas de programme et où on décide ensemble ce que l’on fait. J’ai adoré la transparence de ce lieu qui fonctionne uniquement par le don. Chacun peut participer à la hauteur de ce qu’il est capable de mettre. Les dépenses fixes sont écrites sur un tableau et chacun peut voir où en sont les recettes par rapport aux dépenses. Nous nous sentons tous responsables de cette manière de ce lieu. C’est avec une incroyable joie de vivre que nous quitterons Juli. Merci pour ce lieu, merci pour ces messages et cette vision à long terme, merci, merci !

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Le jardin communautaire de Mullumbimby

Une nouvelle surprise ! Incroyable projet en pleine ville, ou petits et grands partagent cet espace. Ce jardin abrite de petites activités professionnelles (biocharbon, vente de graines, micro-maraichage, etc), des jardins ouverts réalisés par des bénévoles et à destination de ceux qui n’ont pas assez à manger, des jardins de particuliers, un poulailler, des espaces pour les enfants, des espaces pour se retrouver et faire la cuisine, un bureau d’accueil et de formation, des soirées concert et surtout une gestion collective. Il est possible par exemple de se porter volontaire pour s’occuper du poulailler pendant 6 mois. C’est un élément indispensable de la chaîne pour réduire les déchets végétaux des jardins et garantir la fertilisation des sols. C’est une université de plein-air ou on apprend en faisant, ou on peut prendre des initiatives et s’appuyer sur une communauté. La production d’œufs est ensuite partagée comme décidé collectivement en essayant de remercier au maximum ceux qui mettent de l’énergie dans le projet

Nous trouvons le projet très abouti et nous comprenons mieux ce que veut dire permaculture. C’est encore un de ces lieux magiques qui fait espérer et qui fait grandir. Je suis arrivé avec mes questions d’occidental moyen : « mais ça ne peut pas marcher ! Tout repose sur le dos des mêmes personnes… ? » Et après un peu de temps j’ai juste constaté que ça fonctionne et ça fait plus de 15 ans ! Petite leçon de vie : accepter qu’on ne comprend pas tout et que les belles choses sont faites pour durer.

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Nimbin, une communauté tiraillée entre alternative et business

Nous ne nous attendions pas à trouver autant de couleurs et d’activités dans ce haut lieu hippie. Le village se résume à une grande avenue centrale avec quelques ramifications. Des boutiques s’alignent de part et d’autres, des restos, de petites échoppes et vendeurs ambulants. On constate une fois de plus cette tension entre les hippies venus vivre une alternative et garant d’un idéal, et les touristes et les boutiques à touristes qui cherchent à vendre et faire de l’argent sur ce même idéal. Il y a quelque chose qui coince et on a souvent l’impression de déranger ou de ne pas vraiment comprendre comment ça fonctionne. Et je dois dire que la même chose se passe en moi. Animé de cet idéal je cherche à ne pas être le touriste que je suis malgré moi. Je visite la « Candle Factory », la « Rainbow Power Factory » ou le bureau militant mais ça me laisse sur ma faim comparé à la myriade de boutiques marchandes vendant des produits souvent asiatiques. Alors, même les hippies ont fini par vendre leur âme au diable ?

Nimbin est connu nationalement comme la capitale du cannabis et revendique chaque année notamment par son festival « Mardi Gras » la légalisation de la plante médicinale. Même sur les poubelles il y a écrit « No dealing ». C’est au fond un vrai combat mais qui n’est pas compris par les voyageurs de passage. Ce lieu est pour beaucoup une invitation à venir se rouler un petit pétard. Je comprends pourquoi des personnes croisées sont agacées ou un peu dans leur bulle. Comment réagirions nous si on nous dépossédait de notre idéal pour en faire un business ? Comment partout la cupidité entache la beauté d’un lieu : pourquoi cherchons nous toujours à faire de l’argent avec ce qui attire ? Pourquoi, juste ne pas le laisser exister et ne pas le pourrir ?

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Nous y croiserons Renée et Dane, rencontrés en Nord Queensland fin juillet. Ils ont quitté Melbourne et cherchent à s’installer dans le coin. Ils ont trouvé un petit paradis à vendre, où nous aurons la chance de nous prélasser. Et oui le Byron Shire, si vous ne l’aviez pas compris, c’est The place to be ! Nous y reverrons pas mal de têtes connues finalement, l’Australie serait-elle petite ? A moins que ce ne soit ce monde alternatif ?

Expérience au-delà du réel

C’était une de nos intentions en venant dans la région, vivre une « tepee céremony ». Nous en parlions depuis longtemps et nous attendions que l’occasion se présente. Cette cérémonie est inspirée de la tradition sud américaine des Shamans de la forêt amazonienne. Elle a évidemment été adaptée à l’Australienne avec des variantes et des plantes poussées localement.

La cérémonie a duré presque 24h et restera comme une expérience au-delà du réel qui te fait changer ta vision sur le monde. L’Ayahuasca est un breuvage à base de lianes consommé traditionnellement. Elle est interdite en France car classée dans le registre des stupéfiants. Elle est pourtant utilisée dans de nombreux pays et depuis des millénaires…

L’idée est de faire une plongée dans son inconscient de manière consciente et d’aller chercher des éléments ou revivre des situations nous permettant d’avancer dans notre vie. Le concept est difficile à expliquer avec ce qu’on connaît mais le plus proche serait un peu une « psychothérapie en accéléré ». Dans la tradition, la plante est associée à un esprit qui serait celui de la grand-mère ou du serpent. Cet esprit est là pour t’aider et t’emmener là ou tu as besoin d’aller.

Nos expériences avec Virginie sont bien différentes. Nous venions tous les 2 avec une intention différente, une question principale pour cette cérémonie. Je crois avoir eu ma réponse quelque minutes seulement après le début : incroyable ! La molécule active te fait avoir des hallucinations. Pour moi ça aura été de voir tout en dessins animés, de la réalité à mes mémoires. J’ai vu la vie, l’esprit des êtres comme jamais et j’ai compris que ce que nous voyons n’est qu’une infime parti de ce qui est vraiment, et pourquoi pas ?

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Il faudrait des pages et des pages pour raconter ce genre d’expérience et je sens aussi qu’il convient d’être intéressé pour aller plus loin. Pour vous rassurer, reste à vous dire qu’il n’y a pas d’effets secondaires connus, ni d’accoutumance. Comme toute expérience, il y a ce que raconte les autres et il y ce que toi tu vis. Une séance d’Ayahuasca ça se prépare et ça se digère. En en parlant plus tard avec un ancien, il me disait qu’une par an c’était suffisant car c’est le temps qu’il fallait pour comprendre et analyser tout ce qu’on avait vécu…

Ce sera pour nous l’occasion de revoir notre amie Bec de Stanthorpe (voir article d’octobre). Quel bonheur de vivre cela avec elle, et de pouvoir approfondir un peu plus nos liens.

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Félicitations si vous êtes arrivés jusqu’ici ! Difficile de raconter en « quelques lignes » nos 5 semaines dans le Byron Shire (surtout autour de Mullumbimby en fait). Nous aurions aussi voulu vous parler de :

  • Carole, infirmière retraitée, militante en faveur des palestiniens, qui s’est rendue 6 fois en territoires occupés, et qui y retournent l’année prochaine ;
  • La super copine Cécile, une frenchie installée depuis 15 ans en Australie, à l’énergie et vitalité débordante, le cœur sur la main, voyageuse expérimentée, au parcours incroyable. Elle a monté sa petite entreprise éthique de crêpes traditionnelles  « Peace, Love and Crêpes ». Rien que sa pâte est free gluten, 100% Vegan, qu’elle fait elle-même simplement à base de graines de sarrasin ;
  • Le festival de musique de Mullumbimby où contre quelques confections de pizzas nous avons pu assister gratuitement au concert ;
  • Notre petite escapade qui nous aura valu un bel « embourbage » de camion, une rencontre surprenante avec la police et les pompiers (ou comment se faire encercler en moins d’1 minute), la visite d’un des plus beaux lacs du voyage ;
  • Notre workaway de 10 jours chez David et Jo-Ann à la rencontre d’un couple surprenant et hippies à leurs heures ;
  • Développer ce qu’est la Sociocratie, vous présenter le « jeu des besoins » (un formidable outil pour prendre une décision), vous parlez des marchés, une vraie entité ici…

Mais il est temps je crois pour nous comme pour vous de nous arrêter là.

On reprend la route… See you next month !

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Entre retrouvailles et découvertes

(Road trip Lismore to Sweeft Creek (South Alpine Montains))

(Décembre 2017)

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Lismore : première étape de ce dernier road trip. Nous rendons visite à Jo. Rencontrée au « Wild Space » lors de notre workshop (cf. article Byron Shire), Jo est ce genre d’héroïne que nous pensions exister que dans les livres. Il y a de cela deux ans environ, Jo a décidé d’arrêter d’utiliser de l’argent. Oui, Jo fait parti de ces rares personnes dans le monde qui vivent sans argent. Nous avions lu le livre de Daniel Suelo mais jamais nous pensions avoir la chance un jour de rencontrer ce genre de personnage vivant pleinement ses idéaux. Bien sûr, notre petite voix mesquine dans notre tête n’a cessé de se faire entendre pour la titiller avec des questions du genre : « n’as-tu pas l’impression de profiter du système ? » « penses-tu que ce soit viable si tout le monde se mettait à vivre comme toi ? » « n’es-tu pas dépendante des autres ? »… bref, toutes ces remarques qui montrent que son engagement dérange, parce qu’il fait échos en nous à certaines choses que nous ferions mieux de régler plutôt que de lui chercher des poux. Son choix de vie est juste exemplaire. A chacune de nos questions, elle a su répondre, avec bienveillance, et parfois larmes aux yeux. Son engagement se vit au quotidien et dans la durée. Ses convictions écologiques, humanistes, mais surtout son rôle de mère, l’ont amené à changer radicalement sa manière de vivre. Années après années, ses efforts ne lui semblaient plus à la mesure des enjeux planétaires. Pour elle, malgré tous les sacrifices qu’elle a dû faire, et qu’elle fait encore aujourd’hui, c’est le moyen qu’elle a trouvé pour vivre en accord avec ses valeurs, et son moi profond. Pour lutter contre le système, il est selon elle plus facile d’abandonner l’usage de l’argent. Jo vit dans une roulotte, cuisine au rocket stove, fait du troc, récupère dans les poubelles, se déplace à vélo ou en stop, n’utilise que l’essentiel… c’est chaque jour une aventure, un défi, une liberté, de nouvelles contraintes à apprivoiser. Jo a la cinquantaine. Elle est soutenue par ses parents et sa fille. Elle tient un blog (https://jolowimpact.wordpress.com/). Elle a aujourd’hui des fans qui lui donnent parfois bien plus que ce dont elle a besoin. Elle nous partage « j’ai une vie plus simple et plus remplie qu’avant. Je ne suis plus dans le superflu, je touche l’essentiel« . Cette étape chez elle marquera notre voyage. Nous nous sentirons bien petits face à cette grande dame du monde alternatif.

Notre route vers Sydney est l’occasion de poursuivre notre récolte de coquillage incroyable, de faire des gazouillis aux kangourous.

Nous passerons une journée à crapahuter dans les Blue Mountains, l’un des sites les plus visités en Australie et c’est vrai que c’est « beautiful ». Chaîne de montagnes de grès, c’est un terrain de jeu illimité, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Elles doivent leur nom aux émanations de la forêt d’Eucalyptus qui les recouvrent. Three Sister, Grand Canyon… nous nous en mettrons pleins les sens.

A Sydney nous retrouvons Akina, une japonaise qui avait partagé notre Workaway à Crystal Water (cf. article septembre). Le temps d’un pique nique, elle nous fait découvrir son quartier et sa plage (Coogee beach). La ville abriterait plus de 200 plages et autres criques plus belles les une que les autres. Nous en resterons bouche bée. Imaginez venir surfer avant ou après le boulot, boire son café en costard cravate les pieds dans l’eau, faire sa zumba sur la plage… bref, rien à voir avec nos bords de Seine. Sydney est le parfait symbole du « life style » à l’australienne. Difficile de les prendre au sérieux avec un cadre de vie et de travail aussi paradisiaque dans la plus grosse ville du pays (5 millions d’habitants). Imaginez Londres ou Paris à la place de Biarritz… Bienvenue au paradis citadin ! Bon bien sûr, Sydney c’est aussi une banlieue qui fait « pétez les plombs » à tout automobiliste qui se respecte, c’est une ville si étendue qu’on peine à se croire encore à Sydney (est ce que vraiment Palm Beach fait partie de Sydney ?), c’est sa City avec ses buildings, et c’est surtout son splendide Opéra qui est à la hauteur de sa réputation (Il est quand même recouvert de carrelage…). Nous arriverons plus que facilement à nous garer à Coogee Beach et même à y passer la nuit, avec douche gratuite dans les toilettes publiques. Nous visiterons la ville à vélo, fichtre que c’est vallonnée Sydney !

Le lendemain nous retrouverons Juli du « Wild Space » (cf. article Byron Shire). Elle nous fait visiter l’incroyable école privée Kinma dans laquelle elle a travaillé ces dernières années. Cette école expérimentale encourage les enfants à penser par eux-mêmes, à développer la coopération et toute sorte de compétences peu classiques en primaire. Et ce dans un environnement non compétitif et qui respecte l’individualité de ses membres. Laïque, mixte et à but non lucratif, Kinma veut montrer la voie de l’enseignement centré sur l’enfant où professeurs, parents et élèves partagent les décisions sur le programme éducatif. Ce programme prend en compte la compréhension du développement de l’enfant. Quatre jeunes filles nous feront une visite guidée et nous serons impressionnés par leur bagout. C’est l’école dont tout enfant rêverait: elle est en pleine nature, le décor est coloré et créatif, le personnel nombreux, à l’écoute, et bienveillant. Les cours sont variés, les espaces d’apprentissage diversifiés et les tous petits jouent au milieu des poules dans leur jardin de récréation.
Malheureusement, avec l’absence de mixité sociale et culturelle pourtant voulu au départ, cette école aurait tendance à reproduire les classes sociales. Autrement dit, aussi géniale soit-elle, cette école expérimentale est devenu une école de riche, pour les riches, un cercle fermé qui n’éveillerait pas beaucoup plus les consciences. http://www.kinma.nsw.edu.au/index.php

Juli nous mettra en contact avec Andrew, un australien qui vit sur l’île de Scotland Island (nord de la ville) et qui depuis une vingtaine d’année, participe à la régate hebdomadaire du mercredi soir. Génial, nous sommes mercredi ! Nous voilà à bord de Response, pour une course regroupant une soixantaine de bateau. Est-il utile de mentionner que Benoît est aux anges ? Nous arriverons 9ème au classement réel (sans handicap) et il va s’en dire qu’ils ont eu de la chance de m’avoir en équipière sur leur avion de chasse… (Pour prendre les photos.) David, le second, nous prend d’amitié et nous invite dans sa maison de famille, à Palm Beach. Et voilà comment finir une incroyable journée en terrasse, à siroter un verre de vin blanc, vue sur l’Océan Pacifique. Merci, merci. En rencontrant la bonne personne, une seule et unique personne, l’effet boule de neige magique du voyage se déroule tout seul, et nous n’avons plus qu’à sauter sur les belles occasions offertes sur des plateaux d’argent.

Nous quittons déjà Sydney, il nous faut avancer. L’étape vaut le coup, mais la ville reste la ville et nous nous sentons plutôt ras des champs. Nous passons une nuit chez Bernd et Marit, deux allemands expatriés en Australie depuis une trentaine d’années. Nous les avions rencontré à Litchfield National Parc, au sud de Darwin. Ils nous avaient gentiment proposé de passer voir leur petite ferme si nous roulions dans le coin. L’invitation n’était pas tombée dans l’oreille de sourds. Nous passerons une super soirée à refaire le monde et échanger nos points de vue. Nous nous retrouvons sur les questions écologiques, mais les médecines alternatives ne semblent pas de leur goût. Bernd et Marit ont souhaité quitté leurs racines, car ils n’envisageaient pas d’élever leurs enfants dans cette vieille Europe polluée (pluies acides & co) et « nucléairement » dangereuse (Tchernobyl). « C’est très bien d’avoir des convictions, mais vous savez, la vie nous montre que parfois la réalité de l’existence rattrape l’Utopie et la dépasse souvent…! « 

Nous partons à la recherche des Wombats ! C’est un mélange de marmotte et d’ourson, de la même famille que le Koala. Au free camp, dans la Kangarou Valley, il est possible d’en voir très facilement. A la nuit tombée, ils sortent de leur terrier, et viennent brouter le gazon, ou se gratter le dos au parc choc du camion. Leur ouïe et leurs yeux ne seraient pas des plus développés. Mais leur odorat si. Assez craintifs, ici, ils sont habitués à tortiller des fesses au milieu des caravanes, et viennent jusqu’à nous. Ils n’ont pas peur de nous frôler. Mais ces pauvres peluches vivantes ont la galle. Il ne faut donc pas les approcher de trop prêt… comme tout animal sauvage de toute façon. A croire que je ne le savais pas encore, je me ferai gentiment sermonnée par un gardien. Mon égo en prendra un coup. Comme quoi ça arrive même aux meilleures ! Décidément, l’Australie abrite vraiment des créatures sorties tout droit de dessins animés.

Nous passerons un week-end à Canberra, la Capitale. Cette ville aussi semble une vaste blague à l’australienne. Le site a été choisi comme capitale en 1908, comme compromis entre les deux villes rivales de Sydney et Melbourne. On peut tout de même dire que Melbourne a perdu (elle se situe à moins de 300 kms de Sydney). Nous aurions pu choisir de continuer par la côte est, mais nous voulions voir cette drôle de capitale et profiter de ses musés gratuits (nous recommandons la visite du Parlement, du National Museum et le site d’observation spatial de la Nasa). Ville verte, de petite étendue, elle ressemble à tout sauf … à une capitale. Pour dire vrai elle est faite de quelques bâtiments administratifs et de beaucoup de rien. On notera de grandes avenues et un immense lac en son centre où les activités nautiques s’en donnent à cœur joie. Le gouvernement est le principal employeur, mais la plupart des parlementaires ne vivent pas sur place. La population serait de 400 000 habitants mais nous les cherchons encore ! Ce qui nous marquera surtout, c’est l’ambassade officieuse des Aborigènes. C’est un campement installé en face de l’ancien parlement. Il nous fait penser à une ZAD (Zone A Défendre). C’est l’occasion d’échanger avec des militants qui espèrent un jour retrouver leurs terres volées et leur culture détruite. Extrait de correspondance sur notre expérience australienne : « Nous vivons ici comme si nous venions d’atterrir sur Mars. Nous sommes transportés par la nature si différente, si sauvage, si belle. Des insectes, aux oiseaux, des mammifères aux poissons : tout est si particulier. Nous traversons ces espaces qui dépassent l’entendement. Ce sont des milliers de kilomètres sans présence humaine, où la nature sauvage règne en maître : le bush ! Nous arrivons sur la côte Est et découvrons la « RainForest », la forêt tropicale vestige d’un temps difficile à concevoir. Chaque animal observé mériterait à lui seul des pages et des pages pour expliquer ce que nous voyons. C’est dans ce contexte que nous nous connectons à la culture Rainbow puis à la culture aborigène. Et là, bienvenue dans un nouvel univers. Les aborigènes d’Australie sont aujourd’hui dans une situation peu agréable, n’ayant jamais signé aucun traité avec les envahisseurs anglais. Ils considèrent toujours être assiégés par des étrangers qui leur ont apporté la faim, la guerre, la souffrance et le travail. Leur connexion avec la nature est interpellant. C’est évidement un lieu où la magie prend place et où il est impossible de rester indifférent. Les aborigènes croient que l’existence d’une âme ne s’arrête pas au corps physique mais qu’elle existe avant et après. Ils vivent en communion avec tous ces esprits et savent communiquer avec eux. Quand on connait la situation catastrophique de ce peuple aujourd’hui ravagé par l’alcoolisme et la violence il est impossible de poursuivre son chemin sans garder dans son cœur une profonde amertume et injustice. Cette culture vieille de plus de 32 000 ans a tout simplement été vandalisée et exterminée en l’espace d’un siècle dans une sauvagerie et une incompréhension mutuelle qui fait froid dans le dos. Nous avons ressenti de la honte et de la colère. La société australienne est aujourd’hui cette schizophrénie d’une culture plus ancienne que tout ce qui existe sur cette Terre et d’un « progrès » cherchant à maximiser les profits. La tension est palpable et la réconciliation reste la dernière possibilité. »

A nous les Alpines Mountains ! Elles ressemblent plutôt à nos Pyrénées (prétentieux ces australiens). Le décor est splendide et nous sommes bien heureux de retrouver les montagnes (surtout en campervan). Nous avons peine à imaginer les versants sous la neige, et pourtant, les stations de ski apparaissent au gré de l’altitude. Nous bivouaquerons face au Mont Kosciuszko, le sommet le plus haut du pays (2 228 m) et finirons même par voir des névés ! Cette chaîne montagneuse s’étend sur 3 États et comportent de nombreux parcs nationaux. D’immenses incendies (parmi les plus grands que le pays ait connu) en 2006-2007, ont recouvert les monts d’arbres morts. Ceci rend le décor très particulier : à la fois glauque et merveilleux. On croirait même au loin que les crêtes sont saupoudrées de neige.

Heureux propriétaires d’une ferme d’une vingtaine d’hectares, nous cohabitons désormais avec chiens, chats, chevaux, moutons et cochons pour les fêtes de fin d’année. Contre nourriture et soins deux fois par jour, nous disposons gratuitement de la maison. Nous voilà maître à bord pendant que les vrais propriétaires (adorables et à l’accueil plus que chaleureux) partent fêter Noël en famille sur la côte. Ils appellent ça du house sitting (ou farm sitting dans notre cas). Assez répandu à travers le monde, nous sommes fan du concept. L’occasion pour nous de poser, pour la première fois depuis 20 mois, nos bagages, pendant 3 semaines, dans un « chez nous ». Une longue « todolist » nous attend pour rattraper notre retard (articles, films, mails) et préparer la suite du voyage (Melbourne, vente du camion, départ en Tasmanie, retour en France). Mais c’est surtout des vacances à la campagne que nous vivons !

Nous fêterons Noël tous les deux, avant d’entamer pour 5 jours une détox. Une quoi ? Pendant qu’une bonne partie de l’humanité se goinfre nous avons fait le choix de tenter de découvrir ce que le mot « faim » voulait dire. Notre organisme aurait régulièrement besoin d’une « pause » pour se régénérer. En puisant dans ses réserves, il va effectuer un nettoyage profond. Cette expérience était pour nous importante et tellement évidente pour les gens que nous côtoyons ces derniers temps. Mais pour vivre ce genre de diète nous nous rendons rapidement compte qu’il vaut mieux avoir un mental d’acier, ou, comme nous, s’isoler et se tenir loin des tentations. Chaque matin et midi nous avalions nos jus de légumes/fruits et le soir, nous nous faisions nos bouillons de légumes. Le but était de n’avaler que le jus, sans pulpe ni morceaux. Nous complétions « nos menus » de boisson à base d’argile, de fibres ou de Moringa. Nous avions été coachés par Estelle (cf. article Byron Shire) qui en a déjà fait et a travaillé dans ce domaine. Elle nous avait prévenu. Les 3ème et 4ème jours seront les plus difficiles pour moi. Benoît souffrira davantage de la faim mais restera en meilleure forme. Par contre, le 5ème jour c’est l’extase. Nous nous sentons légers, dynamiques, pétillants. Nous ferons même chauffer le Tandem !

Malgré cet isolement, à 90 kms du premier super marché, et dans un village de 300 habitants, nous n’avons pu refuser la proposition d’Emma, la fille des propriétaires. Nous voilà invités à la soirée du Nouvel an au Pub de Swift Creek. A la vue alléchante du menu turque et avec une invitation aussi sympathique, ça aurait été de l’ordre de l’héroïsme (ou de la bêtise) de refuser. Après une nuit de mature réflexion à rêver d’oignons confits, de tagines, et autres poivrons grillés, nous avons donc dit OUI. Ce fut une expérience interculturelle aussi inattendue qu’intéressante. Nous nous attendions à une rencontre des habitants du country australien, mais ce n’était pas vraiment ce que nous avions imaginé. Notre voisin d’en face aura un accent très difficile à comprendre. Quand il apprendra notre façon de voyager il nous dira « it’s so stupid » ! Hum… de quoi, d’être venu en Australie à vélo ? A 21H, le repas était plié, et le concert de rock ne poussait pas vraiment au déhanchement. A 22h30, nous nous retrouvons malgré nous à faire du baby sitting. Nous voilà seuls face à 6 petits garçons, dont nous ne connaissons pas les prénoms et qui n’ont pas l’air de bien savoir pourquoi nous sommes là. Au bout de 30 min, 5 des 6 bambins sont en larmes, et appellent leurs mamans. Bon, mais c’est bien pour ça que nous voyageons non ? Pour ce genre de choc interculturel ! Ouf, juste avant minuit, nous voilà rentrer au calme dans notre ferme, un peu sonnés par ce drôle de réveillon.

Allez zou, 2017 c’est du passé, une nouvelle année commence, celle qui annonce notre retour en France. Bonne Année et Meilleurs Vœux !

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Les Grains 2 selles remontent en selles !

(Janvier 2018)

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Nous commençons l’année en beauté. Fanny vient nous rendre visite quelques jours dans notre ferme. Nous l’avions rencontré à Wondaï, elle faisait partie de la Spoon Team (cf. article août). Bien heureux de ces retrouvailles nous passerons du bon temps : visite de la petite station de Bright, promenades-safari, crapette, cuisine. Nous aurons la chance de voir une maman wombat et son petit, des « blacks wallabies », et des renards. Nous partagerons également de belles discussions. Fanny nous impressionne par sa maturité, son ouverture d’esprit, sa curiosité et son écoute. A seulement 21 ans, nous lui donnons facilement quelques printemps de plus. Voilà 6 mois qu’elle voyage seule en Australie. Plus d’une corde à son arc, elle rentre en France pour intégrer l’Armée de Terre et travailler sur les systèmes d’information géographique.

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Après 3 semaines dans « notre » ferme, il est temps pour nous de rendre les clés (que nous n’avons jamais eu, ici on ne ferme jamais) et de quitter chiens, chats, cochons, moutons et chevaux, ainsi que leurs adorables propriétaires. Nous prenons la route de Melbourne : il est temps de vendre notre van, et plusieurs futurs acheteurs nous attendent. A peine arrivés dans la banlieue Est, Penny trouve déjà de nouveaux propriétaires : Mellit et Sarah, un couple de breton. Nous ne pouvions rêver meilleurs acheteurs tant ils ont été parfaits. Tout se fera simplement et dans une belle ambiance. Ils nous inviteront même à diner et les échanges iront bons trains.

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Avant de leur donner les clés nous profiterons du van 10 jours de plus. Nous commencerons le rab par un week-end autour du fort Nepean. Nous irons ensuite visiter le bureau d’Etudes Trisled (www.trisled.com.au) où Benoît espère donner un coup de main durant la semaine. Ben Goodall a commencé cette production de vélo spéciaux il y a maintenant plus de 15 ans. Trisled est connu pour une vélomobile bas coût à monter soi-même en panneaux sandwich ou son « Rotovélo », une vélomobile en plastique, moulée par centrifugation comme un canoë ou des réservoirs d’eau beaucoup produits dans la région. Ben est surbooké et n’a pas vraiment le temps de m’initier à la construction de vélo spéciaux. Comme tous ces passionnés de l’extrême, il est souvent difficile de trouver plus de quelques heures dans leur emploi du temps : dommage ! L’atelier ressemble plus à un garage où de nombreux concepts de vélo tous plus incroyables les uns que les autres sont alignés sur les bords. Nous parlons transport en général, transport à vélo en particulier et comparons l’Europe et l’Australie. Nous arrivons tous les 2 à la conclusion que les vélos spéciaux sont une niche et qu’il n’est pas encore envisageable que tout le monde abandonne ne serait-ce que sa seconde voiture pour se mettre au vélo. Les bénéfices pour les cyclistes et pour la société seraient immenses, alors, nous gardons tous les 2 espoirs. Du coup la semaine de développement de vélo se transforme en une semaine studieuse à préparer notre retour. Chaque soir, nous posons le camion en bord de mer, et nous exclamons de cette chance. Chaque matin c’est un bonheur de se réveiller sur la plage, et de petit déjeuner « les pieds dans l’eau ».

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Devoirs terminés, nous passerons notre dernier week-end sur Philipp Island, à côté de French Island. L’idée est d’aller à la rencontre des plus petits manchots du monde. Ils ne mesurent qu’une petite quarantaine de centimètres et leur pelage est bleuté luisant. Mais ce que nous ne savions pas, c’est qu’il est possible de les observer tout près de Melbourne ! Nous ne regretterons pas notre escapade, l’île est magnifique et nous avons pu approcher les bébés manchots de vraiment près. Quel incroyable animal ! Ils se nourrissent de petits poissons, de calmars, et de krill pour lesquels ils voyagent et plongent la majorité de leur temps. Les pauvres juvéniles attendent donc toute la journée leurs parents, partis chasser dès le levé du soleil et jusqu’à la nuit tombée. Par chance ils peuvent être deux, mais pour ceux qui sont seuls, les journées semblent bien longues. A partir de 18h-19h, certains impatients sortent de leur nid et attendent le repas. Chaque couple creuse une cavité. Mais il y a de fortes inégalités dans les logements et si certains habitent des nids vu sur mer, d’autres se trouvent en bord de route.

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Comme d’habitude, le tourisme de masse viendra ternir l’atmosphère. L’île est très touristique grâce à la présence de ces manchots, et le seul endroit gratuit pour observer ces petites créatures sera bondé. Bien sûr nous sommes les premiers à jouer ce jeu. Mais nous ne partageons pas tous la même philosophie. Ici peu de touristes viennent découvrir ce qu’est un manchot. La plupart viennent seulement prendre des photos. Ils s’arrêtent quelques minutes, les regardent à travers leur écran de téléphone portable, hurlent de joie d’avoir le selfy du jour « so cuuuuute » oublient d’enlever le flash, et courent au nid suivant, toujours rivés derrière leur écran. Nous avions l’impression que les visiteurs en oubliaient qu’un manchot est avant tout un être vivant, et non un objet de muséum. Nous repartons écœurés, avec ce sentiment étrange de se sentir plus proche de manchots que de nos propres confrères, et ce dégoût qu’une fois de plus la nature n’est qu’un capital loisir et financier. Nous n’avons que peu parlé du tourisme de masse dans nos articles. Mais ce sujet à alimenter de nombreuses discussions. Nous reviendrons en France profondément choqués et tristes par le comportement de ce type de tourisme, dont nous ne sommes pas complètement étrangers nous-même. C’est à chaque fois une belle leçon de l’égocentrisme humain.

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Ces 10 derniers jours de voyage en van nous vaudront nos plus beaux bivouacs. La région sud-est de Melbourne est splendide. Nous nous installons en ville quelques jours dans le superbe appartement de Suzanne, notre warmshoweuse. Encore une fois, nous ne pouvions rêver mieux. Elle ira jusqu’à nous donner les clés de chez elle, et après 4 nuits nous deviendrons de parfaits colocataires. Planning chargé, nous ne passerons que deux soirées avec elle, mais ce fut un plaisir d’échanger sur le voyage à vélo (elle revient de 10 jours en Tasmanie) sur le féminisme, l’Australie, le couple… Son appartement croule sous les médailles : marathon, triathlon, et même iron man, ce petit bout de femme est une vraie machine ! Suzanne habite à 2 kilomètres de l’embarquement du « Spirit of Tasmania ». Elle nous escortera sur son bolide. De quoi finir en beauté cette rencontre. Elle a pour projet de tout quitter elle aussi pour partir voyager à vélo et vivre quelques années en Europe, avant de retrouver sa Nouvelle-Zélande natale. Rendez-vous en France Suzanne !

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A Melbourne nous retrouvons à nouveau Fanny, pour une après-midi de visite : Bibliothèque centrale, Cathédrale Saint-Paul, Galerie Nationale du Victoria et le traditionnel dernier étage du Sofitel pour la vue sur la ville. A 3 sur le tandem nous en ferons sourire plus d’un, nous compris. Nous y serons pendant l’Open d’Australie et profiterons des transats et écrans géants mis à disposition partout dans la ville pour l’occasion. Cette Capitale-Etat a comme Sydney les pieds dans l’eau. Les régates, les wind-surfeurs, et kite-surfers s’en donnent à cœur joie. Ce sont dans ces grandes villes qu’il est le plus facile de se doucher, car leurs plages disposent de douches fermées. Il se dit que c’est la ville la plus Européenne d’Australie et c’est vrai que nous retrouvons de vieilles pierres et un nombre incroyable de cafés. Les magnifiques églises peinent aujourd’hui à exister au milieu de ces buildings modernes. C’est un étrange mélange architecturale. Nous y arriverons en pleine canicule. Mais ici les variations de température sont peines croyables et vous passez de l’hiver à l’été en quelques heures ! Tout dépend d’où vient le vent : du désert, ou de l’Arctique ! Michael nous fera gentiment visiter l’Enterprize, son vieux gréement qui appelle au voyage en équipage. Responsable du projet et animateur d’un réseau de bénévoles, il fait vivre ce patrimoine maritime australien : chapeau ! Il nous parlera de la rencontre historique entre les bateaux d’exploration français et anglais à la fin du 18ième siècle aux portes de Melbourne. Ils se porteront en respect mutuellement là ou leur dirigeant leur exigeaient à l’époque le combat.

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Clés du camion rendues, nous voilà à nouveau cyclo-voyageurs ! C’est à la fois un pincement au cœur, un soulagement, de l’excitation, de l’appréhension et une grande fierté. Le 26 janvier nous embarquons sur le ferry avec ce sentiment de quitter l’Australie. Quel incroyable voyage aurons-nous fait en terres australes. A se remettre en selles, nous aurons la vague impression que cette expérience en camion n’aura été qu’une parenthèse, un claquement de doigt, un doux rêve… et pourtant, nous ne sommes pas près d’oublier ces 8 mois. Ils nous marqueront bien plus que nous ne l’imaginions.

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Nous naviguerons le jour de l’Australia Day (Fête Nationale) ! « Ah … c’est donc pour ça que les billets étaient si peu chers! « . La date commémore l’anniversaire de la création de la colonie britannique sur le sol australien. C’est en 1788, sur les terres de l’actuelle ville de Sydney, que le capitaine Arthur Phillip vint planter le drapeau de la couronne britannique. Autrement dit, ils fêtent l’invasion des colons et le début de la fin pour les Aborigènes. Jour férié, il est de tradition de se retrouver entre amis ou en famille autour d’un barbecue. C’est une fête très démonstrative et très animées dans les rues. Cependant, celle-ci est de plus en plus controversée et il n’est pas bon partout de sortir son drapeau national. Ainsi, des manifestations parallèles ont été organisées depuis les années 90 afin de protester. D’autres noms sont alors donnés à ce jour, tels que Invasion Day (le jour de l’Invasion) et le jour de la survie. Des propositions ont été faites pour modifier la date, mais celles-ci n’ont pas abouti. En août 2017, trois conseils municipaux de Melbourne votent pour un changement de date. La ville d’Hobart apporte également son soutien à ce mouvement. Début 2018, le leader des Verts, annoncent que son parti ferait dorénavant campagne pour changer cette date. Le chemin est encore long mais les consciences semblent se réveiller.

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Les australiens nous manqueront, entre autre parce que :

  • Ici, au supermarché, le personnel de caisse vous dit « bonjour, comment vas-tu ? » avec le sourire. Et ça marche dans les deux sens ! Fanny se mettra aux coutumes locales et nous étonnera par ses « salut mon pote, ça va ? ». Il arrive même que la personne vous appelle « darling » ou encore « honey ». Nous, nous ne nous y ferons pas… mais nous amusons à imaginer ce que ça pourrait donner en France.
  • Curieux et chaleureux, ils sont polis, souriants, et respectueux
  • La simplicité administrative (excepté pour l’obtention des visas et titres permanents)
  • La jolie cohabitation entre les divers styles de vie
  • L’incroyable sentiment de sécurité (pas de portique dans les supermarchés, vous pouvez laisser vos voitures et maisons ouvertes, personne ne viendra chiper votre pull oublié sur la plage…)
  • Leur politiquement correcte (qui peut aussi pesé sur le long terme, mais à court terme, c’est quand même chouette. Personne ne viendra émettre son avis ou vous faire une réflexion sur votre coupe de cheveux, votre régime alimentaire, votre nouveau tatouage, votre épilation, votre façon de vous habiller, votre absence de chaussure etc. Quand aux sujets épineux comme la politique par exemple, il est possible d’échanger des points vus forts différents sans jamais lever le ton ou perdre le sourire.)
  • Leur audace (sûrement en partie lié à l’absence direct de jugement, les australiens, et sûrement anglo-saxon, ont une capacité à oser qui nous émerveillera. Lancer son business, recommencer si on a échoué, chanter dans la rue, organiser un événement, ils ne semblent avoir peur de rien !)
  • Le climat
  • La nature (animaux, vie sauvage)
  • Les avocats (et autres fruits locaux)
  • Leurs toilettes publics toujours propres, avec du papier et très nombreux
  • Les barbecue en libre accès
  • Et tellement d’autres choses…

Mais tout ne nous manquera pas, tel que :

  • Les voitures qui restent stationnées sans couper le moteur
  • La nourriture bio est rare et extrêmement chère
  • Le respect strict des règles (pas facile pour les français)
  • Le tri sélectif trop peu courant
  • Leur « tout business » (tout est occasion de faire du fric)
  • Leur racisme affiché
  • Leur politique ultra libérale et protectionnisme (ici pas de problématique de migrants puisqu’ils n’en accueillent quasiment pas)
  • Les distances
  • L’absence de culture architecturale, culinaire…
  • Le tout voiture et l’absence de respect envers les cyclistes
  • Leur télé (ici, il y a des publicités toutes les 10 minutes (!), les images sont beaucoup plus rapides et les messages ne sont pas subliminaux. Tout est permis aux informations, y compris les images les plus gores et les plus violentes. Ils ne diffusent essentiellement que des programmes de divertissement. Bref, leur télé nous a donné mal à la tête !)

Non d’un diable, en avant pour la Tasmanie !

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TASMANIE : son vent, son soleil, ses touristes et ses animaux morts…

(Février 2018)

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Notre campervan vendu, nous revoilà donc d’authentiques cyclistes : non d’un diable, en avant pour la Tasmanie !

Je ne sais pas ce que ça vous évoque à vous, mais pour nous ce serait des images de nature sauvage, du vert, des forêts, des montagnes, des grands espaces sans personne, du froid ou de l’embrun. Et avec ces images naissait aussi une petite angoisse de reprendre le vélo, pas vrai Vivi ? C’est fou comment les sensations de voyage à vélo ne se perdent pas ; on dit que faire du vélo ça ne s’oublie pas et bien pour le voyage à vélo ça marche à peu près pareil, tout revient très vite au détail de la douche froide qui elle ne s’apprend jamais vraiment complètement. Faire ses sacoches, faire le plein de denrées sèches en prévision de ne pas trouver de bio facilement sur notre tracé, atteler la remorque, remettre les chaussures ou remplir les gourdes, c’est comme si nous reprenions le voyage à vélo là ou nous l’avions laissé. Ah oui, j’ai oublié de dire que nous avons des jambes de moineaux et comme on dit « ça risque de piquer… ». Nous faisons nos meilleures salutations à Suzanna. Elle nous accompagne jusqu’au ferry. C’est tout de même parfois un privilège immense d’être cycliste comme par exemple doubler toute la queue de voiture avec toutes les félicitations du staff : « good set up mates ! ». La traversée sur le « Spirit of Tasmania 2 » est un régal. Une mer calme et longue, des oiseaux, des méduses et même quelques dauphins venus nous saluer pour l’occasion.

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Nous voilà arrêtés sur un parking négociant le nombre de kilomètres à parcourir avant de poser le campement. « Si vous cherchez un endroit pour dormir, allez vous mettre derrière cette école, la rentrée scolaire est seulement la semaine prochaine… », nous lance une australienne en vacances-caravaning attendant le bateau pour l’Australie Mainland.

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Le vélo c’est dur quand on tape dedans, et la question du début revient alors en tête comme une obsession : « mais qu’est ce qu’on fou là… ». De bons dénivelés pour commencer et une odeur de charogne presque en continu ne feront qu’attiser ce questionnement. Et puis ce couple de trentenaires, surfs sur le toit, du New South Wales en van vient nous s’arrêter et nous félicite. L’échange nous remet en selle et voilà ti pas qu’un cycliste canadien nous double, lui aussi à cours d’eau. On le redouble dans la descente parce qu’on est plus lourd, il nous rere-double parce qu’on fait plus de pause que lui, on le rerere-double dans la côte parce qu’il faut dire qu’il a un bon petit bidou et on finit par le saluer parce que la faim nous creuse et qu’il est temps de casser la croûte.

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Notre expérience nous aura montré que la Tasmanie en fait, c’est une canicule, un climat très sec (à cette époque de l’année et sur la côte est), une nature sèche, et ce n’est pas qu’un territoire vierge pour amoureux de nature sauvage. Ces dernières années, l’immobilier est en hausse vertigineuse et avec plus de 20% l’année passée ! C’est une bonne preuve de l’engouement que suscite l’île après avoir été un petit paradis calme et naturel. Il faut dire qu’on pédale dans le nord et l’est du territoire et que la partie ouest a l’air d’être mieux préservée. On se connecte pourtant à plusieurs reprises sur des militants et associations dénonçant tous les projets d’exploitation de la forêt ou de projets de mines. La pression immobilière amène aussi son lot de controverses et d’avidité.

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Au passage, nous serons presque contents de payer 27$ notre entrée pour 2 dans le parc national du Freycinet pour 24h. La seule façon de préserver semble le passage par le guichet obligatoire et la présence de Rangers pour être sûr que vous repartiez bien avec vos déchets et que vous marchez bien sur les sentiers. Autre controverse ici ce sont les élevages de saumons. « Je suis 80% pour et 20% contre » nous dira Konrad notre ange gardien nous ayant pris en stop pour échapper au « col de la mort ». Oui, c’est une manne d’emplois importante mais c’est aussi une destruction de l’environnement à terme, sans parler de la qualité du poisson produit. Du saumon bon marché veut aussi dire une alimentation désastreuse écologiquement et pour la santé ainsi qu’une surconcentration imposant l’utilisation d’antibiotiques et autres molécules de synthèse bien sympas. Cette équation (Environnement + Economie + Respect du vivant + Qualité de vie) semble une nouvelle fois de plus être insoluble. Mais au fait, pourrait-on produire moins de saumon et de meilleure qualité, permettant de préserver la santé des consommateurs et assurant des emplois ici ? Et bien oui, mais le consommateur devra la payer plus cher, ou bien … en acheter moins ? La solution nous semble pourtant s’imposer d’elle même… Ce n’est pas l’avis du parti libéral qui fait ici une campagne d’une agressivité qui nous laisse sans voix : « Le parti travailliste et les Verts pensent que vous êtes stupides. Qu’est ce qu’ils vont encore nous sortir ensuite? Ne les laissez pas vous dire ce que vous devez faire ! ». Outre les pancartes dans la rue, ce sont également des spots télé et des grands posters sur de nombreux portails de maison. On sent ici plus qu’ailleurs que les intérêts financiers sont très puissants et que la nature est aussi là pour que les investisseurs puissent se servir.

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On nous raconte que l’île a été un temps un bon candidat pour accueillir les juifs du monde entier et construire ici le projet sioniste. C’est assez fou de penser ce que ça aurait pu donner, économisant probablement bien des souffrances.

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Nous ferons sur ce grand territoire de magnifiques rencontres avec de « vrais personnages » (comme ils disent ici) ! Bruce et Clare, eux, ont acheté un petit lopin de terre il y a plus de 30 ans. Ils ont construit une ferme de maraichage bio livrant sur toute l’île. Ils emploient aujourd’hui 6 personnes et produisent des « vegies » et fleurs de qualité. Ils sont tous les 2 originaires de New-Zélande et nous racontent comment l’intégration a été incroyablement difficile. Merci pour cet accueil improvisé ! C’est aussi dans la ferme quasiment autosuffisante de Roger et Gaie que nous nous sentirons si bien. Animaux, légumes, miel, chauffage au bois, électricité du barrage ou eau de pluie, rien n’est laissé au hasard. « Plovers Barrow » est une ferme de famille que Roger a hérité de son père. Ils ont décidé avec Gaie d’être autosuffisant il y a 10 ans et ils s’en sortent plutôt pas mal. Ils doivent faire une course de sec par mois et vident leurs poubelles 2 fois par an ! « L’effet bénéfique quand tu es presque auto-suffisant c’est que tu n’as besoin de rien et donc que tu n’as pas besoin d’avoir de gros revenus ». Le principal des dépenses passe dans la voiture, internet ou du matériel qu’ils ne peuvent se fabriquer. Pour nous c’est un plaisir d’être avec ces personnes 100% disponibles et non préoccupées par leur activité professionnelle. Nous parlerons des heures durant et recevrons de nombreux conseils. Merci pour cet échange, cette générosité et cette énergie. Nous repartirons avec les papilles en extases et des sacoches remplies de légumes. Merci merci !

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Mais qu’est ce que c’est que ces pancartes « Biosecurity Zone, Trepasser will be persecuted » souvent accrochée à l’entrée des fermes ? Vu d’ici, effectivement ça ne motive pas à entrer, et c’est l’effet voulu ! La Tasmanie est encore un des rares endroit dans le monde à l’abri de certaines contaminations naturelles ou chimiques. Ils ont par exemple la chance de ne pas avoir de varois, le parasite des abeilles. C’est principalement pour cette raison qu’il est difficile de trouver du miel bio en Europe là ou ici c’est la norme. Mais jusqu’à quand ? Nous les premiers, nous n’imaginons pas qu’en amenant des roues de vélo sales ou en jetant une peau de banane nous pouvons contaminer et diffuser un champignon, un parasite ou tout autre petit animal nuisible. L’Australie ne rigole pas avec ça et nous les comprenons, la Tasmanie c’est le cran au dessus.

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Avez-vous une « mamie gâteaux » ? Et bien nous on a en une et elle s’appelle Mamie Mila (Ludmila). C’est ce genre de personne qui parle fort, vous rempli votre verre et votre assiette sans même que vous vous en rendiez compte et vous accueille chez elle les bras ouverts et le frigo aussi. Après l’enfer tasmanien, nous avons trouvé ici un petit paradis. Elle habite à Old Beach, une banlieue de Hobart dans une petite maison avec une vue incroyable sur la baie de la capitale tasmanienne. Nous nous sentons « comme de petits oisillons dans un nid ». Mamie Mila est d’origine polonaise et a peaufiné ses bons petits plats. Ici tout se fête et se célèbre à coup de shoots de vodka. Je ne me souvenais pas que nous ayons autant à fêter ! S’ajoute à cela des desserts crémeux à n’en plus finir et une cuisson au micro-ondes, on ne sait pas si notre estomac résistera longtemps ! Heureusement elle adore aussi les fruits. Impossible de lui donner un coup de main aux fourneaux, elle a à cœur de nous préparer chacun de nos repas végétariens, et nous sert comme des rois ! Incroyable générosité. Mais mamie Mila aime à jurer. Surtout quand elle a un peu trop bu. Elle trouve bien des choses et des gens stupides : « stupid phone » « stupid journalist » « stupid people » « stupid country » et même sa propre famille en prend pour son grade… elle a aussi une grande aversion pour les gens de couleur, et chaque jour nous avons le droit à ses « bloody asian people » « bloody chinese people ». Une personne de peau noire est évidement un Africain selon elle. Elle est persuadée qu’un jour les blancs se retrouveront à vivre dans des réserves et nous la sentons toute agitée. Il est parfois difficile de garder son calme. En discutant nous apprenons que Mila a dû fuir la Pologne avec son mari et ses deux enfants il y a plus de 35 ans, elle s’est retrouvée immigrée durant 2 années en Italie, et a eu une vie aussi remplie que difficile. Des mamies Mila nous en avons rencontré d’autres sur notre parcours… des personnes adorables, généreuses, le cœur sur la main, parce que nous avions la peau blanche. Est-ce que cette générosité a moins de valeur ? Est-ce que leur racisme en est moins grave ?

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Hobart c’est aussi son musée d’art moderne « Mona« . C’est un musée qui fait polémique ici et à l’international parce qu’avec ce qui est exposé, on se demande parfois si c’est vraiment de l’art. Cet Art a aussi une autre saveur quand on sait que le propriétaire est un homme d’affaire multimilliardaire et qui a fait ses débuts de fortune dans les paris et jeux. Les foules se ruent littéralement ici pour voir cette machine à faire des crottes, ce tatouage sur cet homme, ces moules de plâtre de sexe féminin, etc.

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Hobart marquera le point extrême sud de notre périple. C’est un peu un cap atteint, une étoile que l’on suit de nombreux mois et qu’on est tout surpris d’atteindre déjà. Nous avions prévu de faire la transition avec une retraite VIPASSANNA. Cela signifie « voir les choses telles qu’elles sont réellement ». C’est une des plus anciennes techniques de méditation de l’Inde. Elle a été enseignée en Inde il y a plus de 2500 ans comme un remède universel destiné à soigner les maux universels, un Art de Vivre. La technique de Méditation Vipassana est enseignée lors de cours résidentiels de 10 jours pendant lesquels les participants apprennent les bases de la méthode, et pratiquent suffisamment pour faire l’expérience de ses résultats bénéfiques. Le centre de Tasmanie est l’un des nombreux existant dans le monde consacré à la pratique. Il en existe un en France et quelques autres en Europe. Bon la méditation, nous savions déjà un peu à quoi nous attendre mais nous angoissions plutôt sur le « noble silence ». C’est l’interdiction de communiquer avec les autres étudiants, communication non verbale y compris : pas de contact des yeux ou pas de politesse. Extrait de mail à la sortie : « Les mots sont difficiles à trouver pour exprimer ce que nous avons expérimenté là-bas. C’est un peu à l’image de ces 2 dernières années, ce fut très intense, inattendu, incroyable, insupportable, parfois cela nous a poussé dans nos derniers retranchements et nous avons tous les deux fait un grand voyage intérieur et finalement relativement différent. Pour moi, l’absence de communication a été, contrairement à ce que je pensais avant, d’une grande aide. C’est par certains aspects difficile d’atterrir d’autant plus que la suite s’annonce haute en émotion ».

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La Tasmanie sonne pour nous la fin d’une phase de vie et c’est le moment de passer au chapitre d’après. Nous avons la tête entre les 2 continents, la tête dans les cartons et c’est un peu difficile d’être dans le moment présent. Pourtant qu’est-ce qu’il est difficile de réaliser ce que nous vivons, et ce qui nous attend ! Oui ce retour nous agite pas mal avec la ribambelle de questions qui va avec. Nous nous préparons à vivre un décalage sans trop savoir à quoi nous attendre. Nous savons que tout est impermanent et que nous aurons beaucoup changé. Nous savons que le ré-attelage posera son lot de questions et s’accompagnera de son cortège de sensations bonnes ou mauvaises.

Toujours est-il que de notre côté aussi l’excitation commence à monter : on rentre !